La hausse quasi constante des cours des bovins — toutes catégories confondues — depuis plus d’un an questionne les membres de la filière bovine allaitante. Décapitalisation, installation, contractualisation… Lors du congrès d’Elvea France ce jeudi 4 septembre 2025 en Saône-et-Loire, les représentants de la filière ont spéculé sur l’avenir de la filière et fixé leurs priorités : maintenir les prix et favoriser l’installation de jeunes agriculteurs, en particulier pour les ateliers naisseurs.

« Je suis très satisfait des prix à l’heure actuelle, confie Benoît Charbonnier, éleveur et membre d’Elvea Centre. Je déplore juste le manque de linéarité. J’aurais préféré que la hausse soit corrélée à l’augmentation de nos charges. » Pour lui, une montée des prix progressive aurait atténué la décapitalisation et permis à « plus de jeunes de s’installer. Je ne demande pas la lune, juste de la constance. Les prix sont hauts actuellement, mais rien ne me garantit que ce sera pareil dans deux ans », souligne-t-il.

Le début de l’intégration en allaitant ?

Patrick Bénézit, président de la Fédération nationale bovine (FNB), suggère de ne pas pointer du doigt les banques qui refusent des projets d’installation. « Quand les banquiers voient une rentabilité à long terme, ils acceptent de financer, soutient-il. Il faut garantir des tarifs de vente sur toute la durée du prêt. » Une des solutions, déjà mise en place pour les jeunes bovins, reste la contractualisation. « Beaucoup d’engraisseurs répondent présent si les abatteurs les soutiennent, appuie Benoit Charbonnier. Mais il ne faut surtout pas oublier les naisseurs. »

Le président de la FNB, Patrick Bénézit, est intervenu lors du congrès d'Elvea France le 4 septembre 2025 pour parler de l'avenir de la filière bovine allaitante. (©  Cécile Prétot/GFA)

Dominique Guineheux, représentant de Culture Viande, le syndicat des entreprises françaises de l’abattage-découpe, note la complexité d’apporter du soutien à l’installation d’éleveurs naisseurs. « Nous accompagnons déjà les engraisseurs avec des contrats, rappelle-t-il. Mais nous ne sommes pas habitués à contractualiser du vivant, des vaches. »

Le contrat durerait de six à neuf ans, une période sur laquelle de nombreux facteurs ne sont pas maîtrisables, notamment la production fourragère, les charges de mécanisation, etc. « C’est beaucoup plus compliqué d’intégrer un troupeau », affirme Dominique Guineheux. Au sein du syndicat de l’abattage-découpe, 132 entreprises ont fermé depuis l’année 2025. « Cette réalité existe, insiste leur représentant. Évidemment, nous voulons accompagner les agriculteurs, mais encore faut-il que nos entreprises soient solides. »

« Ne pas attendre que la viande devienne un produit de luxe »

Frédéric Bebiot, du groupe Agromousquetaires, assure que la filière est à un tournant. « Tout le monde gagne sa vie, nous avons trouvé le bon équilibre dans la filière actuellement, constate-t-il. C’est maintenant qu’il faut construire l’avenir, et discuter de manière plus sereine. » Dans les rayons d’Intermarché, Frédéric Bebiot observe déjà un arbitrage dans la consommation. « Les clients se font plutôt plaisir avec des bons morceaux le week-end. Si le seuil psychologique de 30 euros le kilo est dépassé, ça peut poser problème dans la consommation des prochaines années. »

Collectivement au sein de la filière, les différents acteurs semblent vouloir maintenir les prix. « On ne va peut-être pas attendre que la viande bovine devienne un produit de luxe, insiste Philippe Prévost, responsable de l’établissement grossiste Pruvost Leroy. Il faut rester dans le marché. »

« Lorsque les animaux étaient vendus à 3 euros le kilo de carcasse, tout le monde nous disait que personne n’allait l’acheter s’il passait à 4 euros, répond Patrick Bénézit. Et à 4 euros, que personne n’en voudrait s’il passait à 5. On a prouvé aujourd’hui que la valeur, qui nous a tant inquiété, finalement n’était pas le sujet. »