« On nous dit qu’il faut arrêter la cage, mais quand on veut construire du plein air on ne peut pas ! » Jean-Luc Le Coq, éleveur de poules pondeuses à Gambais, dans les Yvelines, déplore le conflit qui l’oppose à ses voisins et au maire de la commune. Depuis 2019, il tente de construire un autre poulailler sur des parcelles qu’il détient à Gressey. Mais son projet a suscité « une levée de boucliers », ironise-t-il. Le 22 mars 2024, la cour administrative d’appel de Versailles a tranché en faveur des opposants.

« Procédure sur procédure »

Déjà éleveur de 66 000 volailles à Gambais, avec deux autres sites d’élevage dans les alentours, et propriétaire d’un centre de conditionnement avec cinquante salariés, l’agriculteur de 60 ans le concède : « Je n’ai pas besoin de ce nouveau poulailler pour vivre. Mais je travaille pour mes enfants, pour la future génération. »

Situé à Chemin du bois de Cerisy dans la commune de Gressey, le nouveau poulailler abriterait 40 000 poules pondeuses en plein air, avec un magasin et une fumière sur une vingtaine d’hectares actuellement cultivés. « À l’origine, tout le monde était d’accord, même le maire, puis c’est parti en quenouille à cause de deux voisins qui se sont mis à râler », accuse l’éleveur installé depuis 1987 sur l’exploitation familiale avec son frère Christophe.

Jean-Luc Le Coq a proposé à ses voisins trois projets d'aménagement différents pour éloigner au maximum le bâtiment d'élevage de leurs habitations. (©  Jean-Luc Le Coq)

« On a respecté toutes les règles concernant le plafond d’azote par hectare, les règles environnementales, le nombre de volailles. Tout est aux normes, poursuit l’éleveur qui ne comprend pas la démarche de ses opposants. Je suis allé leur proposer de nouveaux aménagements, ils ont refusé. Rien n’y a fait. Depuis, c’est procédure sur procédure et tout est bloqué. »

« Emmanuel Macron doit faire évoluer la loi »

Au début de 2019, la famille Le Coq dépose une demande de permis de construire à la mairie et une demande d’enregistrement auprès de la préfecture. Alors que le préfet enregistre le projet, le maire sursit à statuer réclamant une enquête environnementale et bloquant toute installation pendant deux ans. Puis en octobre, des riverains réunis au sein du collectif Gressey Village déposent un recours contre la décision préfectorale (1).

En octobre 2021, le tribunal administratif de Versailles rejette le recours des riverains et annule l’arrêté du maire, estimant que le projet « ne présentait pas une sensibilité environnementale particulière ». Mais le collectif interjette appel et le 22 mars 2024, la deuxième chambre de la cour administrative d’appel de Versailles tranche en faveur des opposants et annule l’enregistrement du projet par la préfecture. Selon les juges, le projet « présente des dangers ou inconvénients graves » pour l’environnement.

« C’est triste, réagit Jean-Luc Le Coq. On manque d’œufs en France, on ne fait qu’en importer, et là, on nous empêche d’en produire. J’incite Monsieur le préfet à se pourvoir en Cassation. Ce n’est pas normal que les préfets soient désavoués par la justice alors qu’on respecte toutes les règles. » Lors du Salon international de l’agriculture de 2024, son frère Christophe a pu interpeller Emmanuel Macron sur le sujet. « Le président doit faire évoluer la loi, assène encore Jean-Luc Le Coq qui se veut optimiste. Il faut absolument bouger les lignes pour nous agriculteurs ! »

(1) Contactés, ni le maire de Gressey Valéry Bertrand, ni l’association Gressey Village n’ont répondu aux demandes d’interviews.