« Il y a une quinzaine d’années, il existait environ 15 fermes dans le village, désormais on en trouve plus que trois », raconte Didier Sanhes, conseiller municipal à Firmi dans l’Aveyron. « Pas de succession ou de reprise », « des normes très restrictives », « des difficultés économiques », l’élu liste des raisons qui selon lui ont conduit à la diminution du nombre de fermes sur sa commune.
Cette tendance s’observe partout en France. En trois ans, entre 2020 et 2023, 400 000 fermes de petite taille ont disparu sur le territoire, selon des chiffres récents du ministère de l’Agriculture. Entre 1988 et 2020, 90 % des départements ont perdu la moitié de leurs exploitations agricoles.

Depuis 2020, ce phénomène s’est accéléré, on parle d’une augmentation de 3,6 % par an. Les petites exploitations ont tendance à s’éteindre au profit de vastes fermes, absorbées au gré de regroupements. À l’aide d’une cartographie, en partenariat avec la plateforme TerritoiresFertiles.fr, publiée dimanche 16 novembre 2025, à l’aune du Salon des maires, l’association Terre de Liens tire la sonnette d’alarme.
« On peut protéger les terres rurales restantes »
Par exemple, dans le Loir-et-Cher, Saint-Ouen, 2 300 habitants, a vu le nombre de ses exploitations agricoles se réduire de moitié en dix ans. « Dans la petite Beauce, on se retrouve de plus en plus avec de grosses fermes, dépassant les 200 hectares, raconte Jeannine Vaillant, la maire. C’est dommage de ne plus avoir de petites fermes. »

Pour éviter la création de « trop grosses fermes », l’élu se dit « très vigilante » lors de l’élaboration du plan local d’urbanisme intercommunal tenant compte de l’habitat (PLUi-H). « En s’opposant à l’artificialisation des sols, on peut protéger les terres rurales restantes. Aujourd’hui, cela ne fait plus sens d’urbaniser n’importe où », insiste-t-elle.
Hélène Bechet, chargée de projet pour l’association Terre de liens est également de cet avis. Selon elle, « avec la tendance à l’agrandissement des exploitations agricoles, on craint de voir que le modèle des fermes familiales françaises disparaît ». Le mouvement citoyen, dont l’une des principales ambitions est de supprimer le poids de l’acquisition foncière pour les agriculteurs, « cautionne de moins en moins les fermes de plus 200 hectares ».
« Derrière une ferme, il y a un agriculteur ou une agricultrice et une dynamique territoriale forte »
De plus, Terre de Liens explique avoir publié sa cartographie à l’aune du Salon des maires pour « dire aux élus d’agir » et « remettre l’agriculture au cœur des problématiques locales ». De ce fait, l’association invite notamment les municipalités à « créer des conditions d’exploitation protégeant la ressource en eau », « rendre les terrains agricoles accessibles ou encore « encourager la distribution de produits bio et locaux ».
Dans sa publication du 16 novembre 2025, la structure cite l’exemple de six communes dans la vallée des Jalles en Gironde qui se mobilisent pour résister à la spéculation foncière en créant un périmètre de protection de valorisation des espaces agricoles.
« La disparition des petites fermes constitue une atteinte à la souveraineté locale », martèle Hélène Bechet. D’après une étude de Terre de liens sur la souveraineté alimentaire, publiée en février 2025, « tandis que la France exporte la production de 43 % de ses terres, soit 12 millions d’hectares, elle importe aujourd’hui l’équivalent de 10 millions d’hectares de terres, soit la surface de l’Islande ».
Pour la salariée du mouvement citoyen, « une cartographie est une bonne manière de faire réagir ». « Derrière une ferme, il y a un agriculteur ou une agricultrice et une dynamique territoriale forte. L’agriculture ce n’est pas que produire c’est surtout s’insérer dans un tissu local », conclut-elle.