« Quand on a un assolement de blé, orge, colza dans des terres à cailloux, il faut piloter son exploitation très finement pour assurer sa pérennité », prévient Patrick Roy. Agriculteur à Béon dans l’Yonne, il exploite 160 hectares de terres battantes à silex. Un tiers de son assolement est consacré au colza, qu’il cherche à cultiver de la manière la plus rentable possible, c’est-à-dire avec une plante bien développée, tout en limitant les intrants.

Pour y parvenir, Patrick a un atout de taille : c’est un bricoleur né. Sur l’exploitation, pas un matériel n’a échappé à ses mains expertes et tout le parc a été amélioré. Armé de la certitude de ne pas être limité par la technologie, Patrick Roy s’est donc lancé le défi de trouver une solution agronomique pour assurer une bonne levée de ses colzas malgré la sécheresse de plus en plus marquée.

Chauffer et ventiler les graines

« J’ai eu l’idée de semer du colza prégermé, une solution qui permet de gagner plusieurs jours à la levée, en particulier en terres très sèches », résume Patrick. Il effectue un premier essai avec un semis à la volée de semences qui ont passé la nuit dans l’eau et ont gonflé. Il constate d’excellents résultats. Il tient la solution agronomique, reste à trouver comment faire pour semer des graines trempées.

« Le seul moyen est de ventiler la semence avec de l’air chaud, assure-t-il. J’ai acheté un semoir Herriau Turbosem d’occasion que j’ai entièrement désossé pour n’en conserver que la trémie et la distribution. » Sur ce semoir, le premier du marché à avoir réalisé du semis monograine de céréales, les graines sont soufflées vers la tête de distribution et viennent ensuite se coller sur les orifices d’une courroie circulaire qui tourne autour de cette tête.

« À l’intérieur de la trémie, je fais circuler la graine en circuit fermé pendant cinq à dix minutes, décrit-il. La température à l’intérieur de la trémie monte, ce qui combiné à l’air du venturi, sèche la graine. Elle est donc toujours gonflée, mais suffisamment sèche pour être séparée des autres. »

Un strip-tiller modifié

Patrick ne s’arrête pas là. Il souhaite travailler le sol au minimum pour conserver la fraîcheur et semer directement après un passage de déchaumeur. Il investit donc dans un strip-tiller Sly à dix rangs pour lequel il fait réaliser un châssis sur mesure afin d’accueillir la trémie du Herriau. Cette dernière est inversée par rapport à sa position d’origine. Deux rangs du semoir sont condamnés. Patrick monte des dents de sa conception avec des pointes en carbure et installe aussi quatre caméras embarquées pour suivre le travail depuis la cabine.

La barre de semis est d’origine MaterMacc. Afin de gagner du temps, Patrick apporte l’engrais et l’antilimace au semis. « Je place l’antilimace sur la ligne de semis, précise-t-il. Apporter ces granulés à la volée n’a aucun sens, c’est du gaspillage. » Cette solution lui permet aussi de semer plus tôt, et donc de supprimer le risque altises.

Faible densité

« Une journée après le semis, mon colza prégermé est déjà en train de lever, assure Patrick. L’avantage aussi, c’est que la croûte de battance n’a pas le temps de se reformer avant la levée. » Il sème autour de 25 g/m², « voire 15 g/m² pour faire des essais ». Selon Patrick, « les colzas sont parfois tellement développés à l’automne que j’emprunte une faucheuse à un éleveur pour couper toute la végétation et ne conserver que la racine ».

La limite de son système, c’est la logistique. « Une fois que les grains ont trempé dans l’eau et ont commencé à gonfler, il n’est plus possible d’arrêter le chantier, sinon ils vont germer dans le bac, prévient Patrick. Afin de ne pas perdre de semence, j’y vais donc prudemment, par lots de 3 kg. »

L’autre limite, c’est le poids de son ensemble de six mètres et dix rangs. « Tous les chevaux de notre bon vieux 8200 JD sont occupés, plaisante l’inventeur. J’ai essayé de mettre le maximum de poids sur l’avant mais je suis obligé de gonfler les pneus à l’eau pour lever l’ensemble. » Le cas du colza étant réglé, Patrick Roy va désormais s’atteler à la modification d’un semoir John Deere 750 pour les céréales. Rendez-vous à la prochaine campagne.