« La saison 2024 a changé notre vision des choses », admet Grégory Canaple, agriculteur à Sailly-Laurette (Somme), installé avec sa femme et son beau-frère. Les trois associés de la SCEA MDG produisent des pommes de terre pour McCain afin d’en faire des frites. Si tout se passait bien depuis de nombreuses années, la chute du nombre de plants l’année dernière a valu à l’entreprise agroalimentaire de revoir son process et de conseiller la coupe de plants aux agriculteurs sous contrat, dont Grégory. 

Sur les conseils de l’industriel, les agriculteurs ont contacté Cap Plants, une entreprise spécialisée dans la coupe de plants depuis une dizaine d’années, afin d’en avoir suffisamment et ainsi d’honorer leur contrat en 2024.

Couper à chaud

« Lorsque j’arrive dans une ferme avec ma coupeuse, il faut que je trouve l’emplacement adéquat, explique Loïc Brabant, chauffeur de Cap Plants. D’une part pour que la machine sur la remorque soit de niveau, d’autre part pour que des engins puissent circuler autour du camion. » Il se dirige vers l’arrière de la remorque pour retirer les goupilles de sécurité, puis attrape les manettes situées sur le poste de commande afin de déployer la coupeuse Downs, motorisée par un groupe électrogène. La trémie commence alors sa descente pour se placer sur le sol. « La trémie qui réceptionne les plants est la même que celle d’un déterreur classique, tout comme les enchaînements de rouleaux à la suite. Ces derniers sont là principalement pour évacuer les plants trop petits et surtout les cailloux, pouvant abîmer la machine », ajoute Loïc.

Ensuite, les tubercules tombent sur des rails constitués de tiges métalliques vibrantes. Cette vibration génère beaucoup de bruit, ce qui oblige Loïc à protéger ses tympans. « La vibration est importante. Elle permet de placer les pommes de terre l’une derrière l’autre sans créer de bouchon. Elles sont donc bien positionnées pour l’élément suivant, le tapis de rouleaux qui les fait avancer vers les disques coupants. » Les rouleaux qui constituent le tapis sont ovales, faisant tourner les pommes de terre sur elles-mêmes tout en les centrant afin que le disque chauffé à plus de 350°C coupe le plant au milieu. La chaleur apporte une cautérisation de la plaie et ainsi une meilleure conservation, pouvant aller jusqu’à deux, voire trois semaines en bonnes conditions.

La trémie réceptionne les plants comme un déterreur. Une remorque recule pour y benner les tubercules. (©  Louis Duval/GFA)
Les plants arrivent depuis la trémie et passent par des éléments de déterreur. Cela apporte un meilleur calibrage tout en retirant les cailloux. (©  Louis Duval/GFA)
Un tapis de rouleaux permet de centrer les pommes de terre par rapport au disque afin d'avoir la coupe la plus centrée possible. (©  Louis Duval/GFA)
Après être coupés par un disque chauffé à 350°C, les plants rejoignent l'élévateur tout en étant recouverts de talc. (©  Louis Duval/GFA)
Loïc rempli le réservoir de talc, qui va recouvrir les plants lors de leur passage. Cette poudre apporte une meilleure cicatrisation. (©  Louis Duval/GFA)
Afin de ne pas abîmer les plants, un enchaînement de bâches vient amortir la chute, et peut être déplier si la hauteur est plus grande. (©  Louis Duval/GFA)

Coupés, les plants sont regroupés pour se diriger vers l’élévateur. Durant leur transit, ils vont passer sous une trémie de talc et être recouverts de poudre. « Le talc apporte une meilleure cicatrisation au niveau de la coupure en formant une sorte de croûte, et ainsi éviter que la pomme de terre ne perde trop de nutriments », indique Loïc, avec son masque pour se protéger de la poussière blanche. L’élévateur va amener les plants à leur destination, que ce soit en palox ou dans une benne. Pour ne pas les abîmer, l’opérateur peut déplier un enchaînement de bâches amortissant la chute, directement depuis sa télécommande.

Loïc peut gérer l'élévateur depuis sa télécommande, idéal pour un travail avec les palox qui nécessite un changement régulier. (©  Louis Duval/GFA)

Contraint mais conquis

Après seulement 2h30, les 37 tonnes de plants de la SCEA MDG ont déjà été coupés. Pendant que Loïc replie sa remorque en gabarit routier pour se diriger vers son prochain client, Grégory et son beau-frère Mathieu prennent leur planteuse et une partie des plants afin de profiter du soleil pour la mise en terre.

Lors des premiers échanges, l’entreprise donne quelques conseils aux agriculteurs de manière à garder un bon rendement : « Pour commencer, il faut savoir que toutes les pommes de terre ne se coupent pas. Le mieux, c’est d’avoir un tubercule de gros calibre, ce qui lui laisse une bonne réserve énergétique une fois coupé. Surtout, il faut que la chair soit adaptée, avec un minimum de 20 % de matière sèche. Lorsque ces deux conditions sont réunies, la coupe et la pousse se passent généralement bien », explique Loïc.

Pour les travaux des agriculteurs aussi, des préconisations sont de mise. « Si on veut que le rendement soit bon, il faut adapter l’espacement des plants, en les rapprochant davantage. Avant, on plantait environ 36 000 plants à l’hectare alors qu’aujourd’hui on est vers 44 000. On met plus de plants, mais ce sont en fait des « demi-plants ». Au final, on est gagnants financièrement malgré le coût de la prestation puisqu’on achète moins de plants », continue Grégory. « Et au niveau des rendements, c’est quasiment identique. L’année dernière, nous avons profité de la transition pour faire un essai dans une même parcelle. La différence était d’environ 500 kg/ha de moins pour les plants coupés, donc très négligeable », ajoute sa femme Dorothée.