Le Haut-conseil des biotechnologies (HCB) a publié mercredi 15 juillet 2020 les principales conclusions formulées par son Comité économique, éthique et social (Cees). Cet avis fait suite à la saisine gouvernementale du 2 juillet 2020 sollicitant le HCB sur le projet de décret modifiant le code de l’environnement. Le gouvernement doit en effet faire évoluer ses textes à la suite d’un arrêt du Conseil d’État.

 

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Pas de liste précise

Le Cees a identifié des « ambiguïtés ou des insuffisances » dans le projetde décret. En effet, ce dernier ne répondrait pas aux demandes du Conseil d’État, car « il ne fixe pas la liste précise des techniques ou méthodes de mutagenèse traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps ».

 

Au lieu de cela, « il compléterait la liste des techniques entrant dans le champ d’application de la directive européenne 2001/18, en ajoutant à la mutagenèse dirigée, la mutagenèse aléatoire in vitro ». De plus, le HCB déplore que cette notion ne fasse aujourd’hui l’objet d’aucune définition juridique.

Pas d’élément sur la commercialisation

« Le projet de décret autorise, par dérogation, de mener à terme les cultures qui ont été semées ou implantées avant sa publication, ajoute encore le HCB. Toutefois, rien n’est précisé au sujet de la commercialisation de la récolte de ces cultures et de ses conditions. »

 

Selon le HCB, le projet ne corrige pas non plus l’ambiguïté entre les techniques qui ne sont pas considérées comme donnant lieu à une modification génétique et celles qui donnent lieu à une telle modification, mais en sont exemptées car elles ont fait « l’objet d’une utilisation traditionnelle sans inconvénient avéré pour la santé publique ou l’environnement ». « Ce n’est pas conforme à ce que prévoit la directive, à savoir deux catégories qui font l’objet d’articles et d’annexes distincts », rappelle l’instance.

Évaluer les risques liés aux VrTH

L’arrêt du Conseil d’État porte également sur les variétés rendues tolérantes aux herbicides (VrTH) pour lesquelles les parties requérantes (1) demandaient un moratoire. Le HCB rappelle qu’à ce sujet, « le Conseil d’État impose au gouvernement, dans un délai de six mois, « de prendre les mesures nécessaires […] en matière d’évaluation des risques liés aux VrTH, et, sans fixer de délai, de mettre en œuvre la procédure qui autorise un État à assortir la commercialisation de variétés inscrites au catalogue de prescriptions quant aux conditions de culture appropriées, ici pour les VrTH. »

 

Le Cees constate que le gouvernement n’a pas utilisé ce projet de décret pour appliquer cette injonction du Conseil d’État à laquelle il doit répondre pour sa première partie avant le 7 août 2020 et regrette qu’il n’en ait pas saisi le HCB.

 

Quant au comité scientifique du HCB, il n’identifie pas de différences biochimiques entre les mutations, qu’elles soient obtenues par mutagenèse aléatoire in vitro, in vivo ou spontanément, sur cellules isolées ou entités pluricellulaires. « Il n’y a pas non plus de différences entre les phénotypes induits par ces techniques », estime-t-il.

Un Conseil économique, éthique et social bâillonné

« Avec ce nouvel avis, le comité scientifique réfute à nouveau la légitimité des décisions juridiques et politiques », estiment dans un communiqué commun du 15 juillet 2020 la Confédération paysanne, la Fédération nationale d’agriculture biologique, France Nature Environnement, les Amis de la Terre et l’Union nationale de l’apiculture française.

Ils parlent d’un avis scientifique « trompeur » et d’un Comité économique, éthique et social « bâillonné ».

 

Pour mémoire, ces derniers avaient démissionné du HCB en 2016, faisant suite à des « dysfonctionnements ». Ils s’étaient opposés aux conclusions d’un avis du comité scientifique « puisqu’elles visaient l’exclusion des nouveaux OGM de la réglementation ». « Depuis, la justice européenne, puis la justice française nous ont donné raison, complètent ces derniers. C’est pourquoi nous avons proposé au gouvernement de participer aux discussions sur l’application de ces décisions de justice. Notre surprise a été considérable de retrouver un Comité économique, éthique et social privé de président, dirigé par le président du HCB, intérimaire depuis deux ans, et de ne disposer que de 2 heures 30 de réunion plénière en visioconférence pour adopter une recommandation restreinte aux seules questions juridiques ! »

 

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Ces derniers demandent de :

  • « Réglementer tous les nouveaux OGM comme l’exige le Conseil d’État »,
  • « Ne pas donner à l’avis du comité scientifique plus d’importance qu’il n’en a », car il a « volontairement réduit le champ d’examen de la saisine »,
  • « Mettre en place un HCB fonctionnant en respect de la loi, du pluralisme de l’expertise scientifique et des règles élémentaires de la démocratie et de l’indépendance de l’expertise »,
  • « Compléter l’expertise purement analytique et réductionniste du comité scientifique par une évaluation systémique puisque c’est bien dans les systèmes sociaux et écologiques que les OGM sont disséminés ».

(1) La Confédération paysanne, Les Amis de la Terre, Collectif Vigilance OGM de la Charente, Comité de soutien aux faucheurs volontaires du Maine-et-Loire, Nature & Progrès, Réseau Semences Paysannes, OGM Dangers, Vigilance OG2M, Vigilance OGM 33.