Lors du Salon international de l’agriculture, la Fédération nationale des Safer (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural) et les Chambres d’agriculture France ont signé le 29 février 2024 une convention cadre pour agir ensemble sur les enjeux de transmission et installation.
Ce partenariat concrétise la volonté des deux structures d’œuvrer en synergie afin de favoriser la transmission d’exploitations agricoles, entre cédants et repreneurs. L’enjeu est de taille : renouveler les générations d’agriculteurs, dont l’âge moyen se situe autour de 51 ans, afin notamment de préserver le foncier agricole et maintenir le dynamisme des territoires ruraux.
Un partenariat pour fluidifier la transmission des exploitations
La mise en œuvre de ce partenariat viendra renforcer l’efficacité des actions de la Safer et des Chambres d’agriculture, sur la base de leur complémentarité. « L’objectif est d’intensifier leurs relations sur le terrain, pour faciliter et fluidifier la transmission, l’installation de nouveaux agriculteurs, et préserver le foncier agricole », annonce la Safer.
Une dynamique qui permettra « avant tout de se parler », ainsi que de croiser les données et les compétences, déclare Romain Fontaine, responsable du service Hommes et Entreprises des chambres d’agriculture.
Identifier les cédants, définir les besoins et orienter vers la transmission d’une part ; informer les porteurs de projets des opportunités existantes et accompagner la mise en relation cédants – repreneurs d’autre part. La Safer et les Chambres d’agriculture s’engagent à organiser territorialement des échanges réguliers et promouvoir des actions communes.
Une « complémentarité indispensable pour la maîtrise du foncier », ajoute Gilbert Guignand, président de la chambre régionale d’agriculture Auvergne-Rhône-Alpes, face à la baisse du nombre d'agriculteurs.
Urgence du renouvellement des générations
Donnant quelques chiffres, Romain Fontaine illustre l’urgence du besoin de renouvellement des générations. Avec une moyenne d’environ 23 000 départs d’agriculteurs par an, et 13 000 installations, le taux de renouvellement des agriculteurs n’est pas suffisant (0,56).
Tandis que le nombre d’exploitations agricoles diminue, la surface agricole utile (SAU) française reste plutôt stable, faisant ainsi s’élever la SAU moyenne par exploitation agricole (+ 25 % entre 2010 et 2020). Or si les exploitations voient leur superficie augmenter, par conséquence directe, leur coût de reprise grimpe également.
Autre mission, celle d’identifier et d’informer les cédants, alors qu’environ la moitié d’entre eux n’envisage pas la transmission de leur exploitation comme une suite.
« De plus en plus, les exploitations agricoles ne correspondront plus aux demandes des jeunes »
Romain Fontaine évoque par ailleurs la réalité d’un « gap générationnel », soit une différence entre les profils des cédants et ceux des porteurs de projets. Pour Emmanuel Hyest, président de la fédération nationale des Safer (FNSafer), « de plus en plus, les exploitations agricoles ne correspondront plus aux demandes des jeunes ». Selon lui, il faut être vigilant à ne pas créer des structures qui ne seront pas reprenables.
En effet, l’offre des exploitations à transmettre ne correspond que peu aux profils d’exploitations souhaitées par les futurs installés. Par exemple, beaucoup d’exploitations de bovins viande sont ou seront à transmettre, alors que les repreneurs sont peu intéressés. À l’inverse, il y a peu d’exploitations spécialisées dans le maraîchage à transmettre, alors qu’il s’agit souvent du premier souhait des repreneurs.
En effet, les profils des repreneurs évoluent. Ils sont plus nombreux à avoir effectué des études supérieures, et beaucoup envisagent l’exploitation agricole dans sa globalité, avec la volonté de commercialiser leur production, de développer des circuits courts, par exemple.
Ce décalage engendre un défi supplémentaire pour les structures, qui se doivent de répondre à un besoin d’entente, de conseil et accompagnement, particulièrement devant la part élevée de repreneurs non issus du milieu agricole.
Vigilance et sobriété sur le foncier
En parallèle, la signature de cette convention cadre œuvre à préserver le foncier agricole, menacé par l’artificialisation des sols.
Alors que près de 20 000 hectares de terres agricoles disparaissent chaque année en France, Emmanuel Hyest souligne un gros point de vigilance sur la protection des terres agricoles. « Pour installer des agriculteurs, il est essentiel de préserver le foncier, mais il faut déjà qu’il soit disponible », déclare-t-il. « Protéger le foncier est un enjeu de société ».
Un travail est à mener avec les collectivités pour trouver une complémentarité entre les usages agricoles et environnementaux des terres. Prendre davantage en compte les impacts de l’artificialisation des sols sur les projets agricoles, concilier les usages, accompagner les collectivités vers la sobriété foncière, le « combat à mener ensemble » est de taille, conclut Sébastien Windsor, président des Chambres d’agriculture.