L’histoire

Alain, propriétaire de plusieurs parcelles de terre en nature de prairie, avait promis de les vendre à Jean en vue d’un agrandissement. La Safer locale avait indiqué au notaire chargé de la vente qu’elle exerçait son droit de préemption. Cependant, Alain avait refusé de signer la vente au profit de la Safer au motif qu’il entendait conserver l’usufruit d’une partie des terres.

Le contentieux

Souhaitant bénéficier de la vente en vue d’une rétrocession des parcelles à des exploitants voisins, la Safer avait assigné Alain devant le tribunal judiciaire pour voir déclarer sa propriété sur les parcelles concernées. Pour sa part, Alain avait contesté la validité de la décision de préemption de la Safer par voie de conclusions déposées le 18 janvier 2022 au cours des débats devant le tribunal.

Mais la Safer avait soutenu que l’action d’Alain en contestation de sa décision de préemption était irrecevable car tardive, faute d’avoir été intentée dans les six mois à compter du jour où cette décision avait été rendue publique. Une question de procédure s’était donc posée devant les juges.

La jurisprudence a eu l’occasion de préciser que la partie qui conteste le respect des objectifs poursuivis pour l’exercice du droit de préemption n’a pas à attendre l’intervention d’une décision de rétrocession. Aussi, Alain était-il bien en droit de solliciter selon lui l’annulation de la décision de préemption de la Safer, bien qu’aucune rétrocession n’eût encore été réalisée. Pour autant, le délai d’action de six mois n’était-il pas dépassé ?

Pour déclarer irrecevable la contestation d’Alain, les juges avaient retenu que la décision de la Safer avait été publiée en mairie le 21 septembre 2020 et qu’il s’était écoulé plus de six mois entre cette date et le 18 janvier 2022, jour où celui-ci avait demandé au tribunal l’annulation de cette décision. L’action d’Alain en contestation de la décision de la Safer était donc tardive.

Saisie par Alain, la haute juridiction a censuré cette motivation. Le délai de six mois à compter de l’affichage en mairie pour contester les décisions de préemption ne peut, sans porter atteinte à son droit à un recours effectif, courir contre le propriétaire d’une parcelle auquel la décision qu’il entend contester n’a pas été notifiée. Or en l’espèce les juges n’avaient pas recherché si la décision de préemption avait été notifiée à Alain.

L’épilogue

Nonobstant la publication en mairie de la décision de préemption, seule sa notification au propriétaire fait courir le délai de six mois ouverts pour la contester. Aussi, devant la cour de renvoi Alain pourra faire valoir qu’en l’absence de notification de la décision en litige, son action en nullité est bien recevable. Pour autant, la décision de la Safer sera-t-elle annulée pour méconnaissance d’un des objectifs fixés par la loi ? Rien n’est moins sûr.