14 jours d’arrêt de travail. Philippe Royer, agriculteur à Saint-Aignan dans la Sarthe, raconte à La France Agricoleson agression du jeudi 27 août 2020 par un voisin de la commune. En cause, les odeurs des épandages de lisier de veau. Le maire, Éric de Villemarest, a assisté à la scène qui s’est déroulée dans sa mairie, son premier adjoint ayant mis fin à l’altercation.

 

À lire aussi : Intrusion, nouvelles menaces contre un éleveur (14/08/2020)

« C’est de la bêtise humaine, c‘est de la violence gratuite »

À 11 heures ce jeudi 27 août, le téléphone de Philippe Royer sonne à plusieurs reprises. Au bout du fil, celui qui le tabassera quelques heures plus tard. Se plaignant des épandages de lisier de veau opérés la veille et le matin même, le voisin critique les odeurs et veut des explications.

 

« Il m’a harcelé en me disant que ça puait, raconte Philippe Royer. Il a menacé d’ouvrir les barrières où il y a mon bétail. Donc je lui ai dit que je voulais bien le rencontrer devant chez lui pour qu’on discute, et lui dire que c’est quelque chose de naturel ce que j’épands, c’est de la bouse de veau et de l’urine. »

 

Sa femme à ses côtés, Philippe Royer se rend au domicile de son interlocuteur. Ne le voyant pas, il décide de faire un stop à la mairie « juste à côté » pour y déposer les clés d’une salle de réunion qu’il avait utilisée la veille au soir. « En fin de compte, il a dû me voir arriver, il m’y a retrouvé et il en est venu aux mains tout de suite », relate-t-il.

 

« Je ne suis pas venu pour me battre ! Je n’ai pas voulu répondre, je n’ai fait que me protéger. J’ai pris des coups à la tête et dans les côtes. C’est de la bêtise humaine, c’est de la violence gratuite », ajoute-il.

La mairie a « supprimé des preuves »

Il était près de 14 heures lorsque l’agression a eu lieu, mais elle s’est déroulée en deux temps. Philippe Royer a été roué de coups à l’intérieur de la mairie et lorsque le premier adjoint « s’est interposé, ça s’est calmé ». Mais au moment où il retourne auprès de son épouse, son agresseur le rattrape et « revient à la charge ». « J’avais quatre témoins à l’intérieur qui ont tout vu grâce à des baies vitrées, puis d’autres personnes à l’extérieur », affirme-t-il.

 

« Il y avait du sang au sol qu’ils ont nettoyé et donc ils ont supprimé des preuves », déplore l’agriculteur de 57 ans, en colère contre la mairie. Une fois revenu dans sa ferme où une barrière avait été ouverte, il est suivi de la gendarmerie et d’une ambulance pour l’emmener à l’hôpital. Bilan de la matinée : des contusions au visage, aux côtes et, dans un premier temps, 7 jours d’incapacité temporaire de travail.

 

 

Philippe Royer a été roué de coups à l’intérieur de la mairie et lorsque le premier adjoint « s’est interposé, ça s’est calmé. » (Photo de la mairie de Saint-Aignan) © GoogleMaps
Philippe Royer a été roué de coups à l’intérieur de la mairie et lorsque le premier adjoint « s’est interposé, ça s’est calmé. » (Photo de la mairie de Saint-Aignan) © GoogleMaps

« Il n’est pas blanc comme neige »

Selon Éric de Villemarest, le maire et témoin de la scène, toute cette histoire « est ridicule et n’avance à rien ». Mais les raisons évoquées sont bel et bien liées aux épandages. « C’est quand même un problème dans la commune, c’est déplaisant, estime-t-il. Les voisins se plaignent des odeurs auprès du premier adjoint, agriculteur lui-même. »

 

Et il ajoute, « l’agriculteur a peut-être quelques torts, car il a fait deux épandages en 15 jours, et quand ça sent mauvais, ça commence à chauffer les esprits, même si l’épandage est quelque chose de normal et qu’on ne peut pas y couper. »

 

Il poursuit, Philippe Royer « n’a pas mérité les coups, mais il n’est pas blanc comme neige. L’épandage de la fois d’avant a été fait à 30 mètres des habitations et non 100. » L’agresseur, toujours en liberté, aurait donc « voulu faire justice lui-même », selon le maire de la commune.

La peur de représailles

Face aux nombreuses plaintes qui lui ont été faites bien avant l’agression, Philippe Royer affirme avoir toujours suivi le calendrier des épandages des Pays de la Loire : « J’ai regardé les autorisations, j’étais dans les clous. Quand j’épands, je préviens le maire et la gendarmerie et j’explique pourquoi. Je n’avais rien à me reprocher, il faut arrêter les bêtises ! »

 

C’est la « boule au ventre » à l’idée de représailles que Philippe Royer prend soin désormais de contourner le bourg : « Je n’y passe plus car il est encore là et je n’ai pas envie de tomber dessus et que ça recommence. » Une semaine après les faits, il a « encore mal au nez et aux côtes ». Son arrêt de travail a été prolongé de sept jours.

 

À lire aussi : Stop agribashing, « c’est la seule manière d’être entendu » (31/08/2020)