Une note du centre d'études et de prospective du ministère de l’Agriculture publiée le 3 mai 2023 revient sur l’état de la filière apicole. Selon son auteur, Johann Grémont, la difficulté de l’apiculture à « faire filière » résulte en partie de la perception de cette dernière par la société. « Les consommateurs associent le miel à la nature, à la production artisanale et locale. L’apiculteur incarne le rôle d’un lanceur d’alerte, défenseur d’un environnement dégradé par l’agriculture intensive », écrit-il. Les avis sont discutés par les membres de la filière qui délivrent leur point de vue à La France Agricole.

« Une image de lanceur d’alerte »

La profession est composée d’apiculteurs de loisir, de pluriactifs et de professionnels. Aujourd’hui, 92 % des apiculteurs français possèdent moins de cinquante ruches, soit 31 % des colonies, d’après les chiffres d'Agreste, le service de la statistique du ministère de l'Agriculture. « Les apiculteurs de loisir ont un poids dans le syndicalisme et dans l’orientation de la filière. Leur présence a eu un impact sur l’image de l’apiculture dans la société et les politiques publiques », déclare Axel Decourtye, directeur général de l'Itsap-institut technique de l’abeille.

Dans l’histoire, la filière a « manifesté haut et fort » certains problèmes rencontrés avec l’usage d’insecticides, notamment les néonicotinoïdes. Ces événements ont participé, volontairement ou non, à la création d’une image de l’apiculteur « lanceur d’alerte et préservateur de la qualité d’environnement », laissant derrière la figure de « l’agriculteur défenseur de durabilité économique ».

« Aujourd’hui, on subit le revers de cette image caricaturale d’apiculteur artisan cueilleur de la nature », poursuit Axel Decourtye. Ce dernier appelle néanmoins à ne pas schématiser l’apiculteur de loisir « comme sentinelle de l’environnement » et le professionnel comme un « productiviste ».

Située au croisement de l’agriculture et de l’environnement, la filière doit « relever un défi ». Selon Axel Decourtye, l’apiculture a besoin d’expliquer aux consommateurs qu’elle est une activité agricole avec des enjeux économiques malgré tout.

Une vision contrebalancée

De son côté, le président de la Fédération du réseau de développement apicole, ADA France, Christophe Zimmermann, est formel : l’abeille a toujours eu un rôle de sentinelle aux yeux du monde. « La filière apicole cherche une structuration depuis un moment », estime-t-il. Selon lui, l’apiculture fait parfois face à des polémiques extérieures. « Il y a des sujets d’actualités débattus dans la sphère publique pouvant faire basculer l’apiculture. La faible structuration de la filière nous met en difficulté pour avancer d’un front commun », expose-t-il.

Située au croisement de l’agriculture et de l’environnement, la filière doit relever un défi.

À l’inverse, pour Henri Clément, le porte-parole de l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf), la filière apicole n’a « pas de mal à se construire en raison de la vision sociétale ». D’après lui, renforcer la structuration de la filière passe d’abord par une refonte de ses instances. « Le seul moyen de régler le problème de l’apiculture est d’organiser des élections pour mieux représenter les apiculteurs. La filière est très spécifique et elle doit prendre en compte la pluralité des acteurs », déclare-t-il. Pour « sortir de l’impasse », ces élections doivent se faire par tranches et prendre en compte le nombre de ruches par apiculteurs.

Trois divisions sont proposées par l’apiculteur allant des producteurs de plus de 200 ruches, entre 50 et 200 ruches et ceux ayant moins de 50 ruches. « Une telle organisation inclurait l’ensemble des apiculteurs avec une majorité de siège pour les professionnels », précise Henri Clément.