Une étude parue au début de septembre dans « Environnemental Science and Technology » (1) révèle la présence de résidus de produits phytosanitaires dans l’eau des nuages du Puy-de-Dôme. Une équipe de recherche du CNRS (2) a quantifié 32 molécules, sur un total de 446 substances recherchées, dans six échantillons d’eau de nuage collectés au sommet du massif. Les prélèvements ont été réalisés à deux périodes de l’année : au printemps et en fin d’été.

Plusieurs familles phytosanitaires sont représentées : herbicides, insecticides, fongicides, additifs, biocides et des molécules de dégradation. « Deux échantillons présentent une concentration totale de pesticides supérieure à 0,5 μg/l, soit la limite fixée pour l’eau potable », fait remarquer l’étude. Les chercheurs ont également extrapolé leurs résultats à l’échelle nationale : ils estiment entre 6 et 139 tonnes la charge de résidus phytosanitaires présente dans la phase aqueuse des nuages de France. Un résultat qu’ils jugent « élevé » et qui suggère une contamination de « zones éloignées des sources agricoles directes ».

Phytéis, le syndicat représentant les industries de la protection des plantes, nuance. « On passe de six prélèvements ponctuels à une estimation nationale, commente son responsable à l'environnement, Ronan Vigouroux. Certes, l’ordre de grandeur paraît impressionnant mais il repose sur une base extrêmement réduite », ajoute-t-il.

11 molécules interdites en France

Par ailleurs, l’étude établie l’absence de corrélation entre la période d’échantillonnage et la période d’application des produits phytosanitaires associés aux molécules détectées. « Cela suggère un transport sur de longues distances et la stabilité de certains composés », estiment les chercheurs. « La détection de pesticides non autorisés en France appuie également l’hypothèse d’un transport depuis des pays où ils sont encore utilisés, comme cela a déjà été montré pour des échantillons de pluie et aérosols », ajoutent-ils.

Selon Phytéis, 11 des 32 molécules détectées sont interdites d’utilisation en France, pour certaines depuis plus de 20 ans.

Le syndicat ajoute que plusieurs d’entre elles sont encore utilisées dans d’autres secteurs. C’est le cas du 2,4 dinitrophénol, un ancien herbicide toujours présent dans les formulations de colorants et d’explosifs. Cette molécule affiche d’ailleurs « la concentration la plus forte avec une mesure de 2 µg/l », relève-t-il. Autre exemple cité par l’organisation : l’anthraquinone, un ancien traitement de semences qui est aussi un sous-produit de la combustion du diesel. « Six autres composés, comme le triphényl-phosphate ou le DEET, proviennent d’usages industriels ou domestiques », ajoute l’organisation.

« À ce stade, l’étude ne permet pas de lier la présence de molécules pesticides dans les gouttes de pluie et les pratiques des agriculteurs français », conclut Phytéis.

(1) Un document en anglais « Supplementary Materials » est en accès libre.

(2) Centre national de la recherche scientifique.