Dans un arrêt rendu le 29 octobre 2025, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a annulé la décision par laquelle la Commission européenne avait rejeté la demande de réexamen interne concernant l’approbation du plan stratégique national (PSN) français de la Pac 2023-2027, formulée par les organisations non gouvernementales ClientEarth et Collectif Nourrir. Les deux associations — qui se sont félicitées de cette décision dans un communiqué — avaient saisi la Commission, en novembre 2022. Elles contestaient à la fois la légalité de l’approbation du plan français et son insuffisance au regard des objectifs environnementaux et climatiques de l’Union européenne. La Commission avait rejeté cette demande le 5 mai 2023.
Un point technique : la BCAE 7
L’annulation prononcée par la CJUE repose sur un point spécifique : la bonne condition agricole et environnementale 7 (BCAE 7), qui concerne les rotations de cultures. Selon la juridiction luxembourgeoise, le plan stratégique français (PSN) ne respectait pas, à l’époque de son approbation, la réglementation européenne applicable à cette norme de conditionnalité. La Commission aurait donc dû refuser son approbation ou en exiger la modification. « Cette décision n’aura toutefois pas de conséquences, puisque le ministère de l’Agriculture a fait évoluer les règles de la BCAE 7 à partir de la campagne de 2025 », souligne le président du Collectif Nourrir, Mathieu Courgeau auprès de La France Agricole, le 30 octobre 2025. En revanche, c’est « le signal que les organisations de la société civile et agricole sont pleinement capables de mener à bien ce type de procédure et de gagner », dit-il.
Rejet des critiques environnementales
Le tribunal a toutefois rejeté l’intégralité des arguments portant sur l’insuffisance environnementale et climatique du plan français. Les ONG requérantes avaient développé une contestation articulée autour de trois axes : la contribution du plan à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la protection des ressources en eau et des ressources naturelles, et la préservation de la biodiversité. Elles soutenaient que la conditionnalité, les écorégimes et les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) n’étaient ni suffisamment ambitieux ni suffisamment dotés financièrement pour accompagner efficacement les agriculteurs dans les transitions écologiques. Elles critiquaient également des choix structurants du plan français, notamment l’absence d’aide au maintien de l’agriculture biologique et l’accès à l’écorégime par la voie des certifications environnementales jugées insuffisantes.
Rôle de la Commission
Au-delà du sort du plan français, l’arrêt de la CJUE clarifie l’étendue du pouvoir de contrôle dont dispose la Commission sur les stratégies nationales de mise en œuvre de la Pac. « C’est le gardien du temple, estime Mathieu Courgeau. Il faut qu’elle ait un rôle central pour faire appliquer le règlement européen par tous les États membres, pour qu’il n’y ait pas 27 politiques agricoles différentes. »
Les requérantes plaidaient en effet pour un contrôle substantiel de la Commission, allant jusqu’à l’examen détaillé de l’efficacité des mesures proposées par chaque État membre. La Commission, soutenue par la France, défendait au contraire une interprétation plus restrictive de ses prérogatives. Mais pour la CJUE, les recommandations de la Commission, lorsqu’elles portent sur des points de non-conformité avec le règlement, doivent s’imposer aux États membres.
Cette clarification juridique est perçue par les ONG comme un acquis majeur pour les futures négociations sur la Pac, dans un contexte où elles dénoncent une « renationalisation » excessive de la Pac. Un sujet au cœur des discussions pour la Pac post-2027.