Le collectif « Oui à l’innovation ! » a organisé un échange le 4 juillet 2023 autour de la prospective « Agriculture européenne sans pesticides chimiques en 2050 » de l’Inrae, rendue publique le 21 mars. Cette étude a été reçue « de façon un peu douloureuse » par le monde agricole, estime François Arnoux, céréalier et producteur de semences en Vendée. Il juge l’exercice trop théorique et déconnecté des réalités actuelles. « Il faut se fixer des objectifs, mais il faut garder les pieds sur terre », clame-t-il, insistant sur le manque de solutions alternatives, et sur le risque d’augmentation de la dépendance aux importations.

Des politiques ambitieuses nécessaires

« L’idée de la prospective n’est pas de dire “cela va marcher demain”, mais bien “cela pourrait marcher après-demain” », défend Guy Richard, directeur de l’expertise et de la prospective de l’Inrae. Il explique que l’exercice consiste à capter « les signaux faibles » qui pourraient se développer « moyennant un effort important », et « n’a pas pour vocation de répondre aux difficultés actuelles. »

Pour Robert-Pierre Cecchetti, arboriculteur dans l’Hérault et président de la commission technique de l’Association nationale pommes poires, « les conditions de réussite de la prospective ne sont pas suffisamment bien explicitées ». « Les changements de pratique ne pourront pas être mis en œuvre sans qu’y soient associées des politiques ambitieuses sur les questions agricoles, alimentaires et sur les échanges internationaux », appuie lui-même Guy Richard.

Message retenu par le grand public

Mais pour Robert-Pierre Cecchetti, le message n’est pas bien passé auprès du grand public et d’une partie du monde politique. Selon lui, ces derniers ont conclu que la réduction, voire la suppression des phytos était possible, et que les efforts du monde agricole ne sont pas suffisants. Il désapprouve la question même de la prospective, jugeant le « zéro phyto » dogmatique.

De manière générale, Guy Richard estime qu’il faut « sortir de l’usage systématique préventif » des phytos. Une position qui passe mal auprès de François Arnoux : « L’idée que les agriculteurs traitent systématiquement, c’est faux et archifaux ! Je ne peux pas laisser dire cela », lâche-t-il. Utilisation d’outils d’aide à la décision (OAD), observations dans les champs, évolution du matériel… Il assure que les pratiques ont déjà beaucoup évolué.