« Le caractère commun de la politique agricole est essentiel et sa décommunautarisation doit être absolument évitée », a martelé la ministre française de l’Agriculture, Annie Genevard, à Luxembourg lors du Conseil agriculture et pêche du 27 octobre 2025 (1). La France rejette ainsi la proposition de la Commission européenne de fusionner la Politique agricole commune (Pac) avec la politique de cohésion dans un fonds unique. Selon Paris, une telle réforme menacerait la cohérence du marché intérieur et ferait peser le risque de « renoncer à l’élaboration de stratégies communes, en créant des concurrences entre États membres ».

Une position soutenue par 17 pays

Cette position est largement partagée. Dix-sept États membres – Autriche en tête, soutenue par la France, Belgique, Bulgarie, République tchèque, Espagne, Hongrie, Croatie, Italie, Lituanie, Luxembourg, Lettonie, Pologne, Portugal, Roumanie, Slovaquie, Estonie - ont adressé début octobre une déclaration commune à la présidence du Conseil de l’Union européenne.

Ils y défendent une Pac « solide, intégrée et financièrement robuste », tout en rappelant que les décisions agricoles doivent rester de la compétence du Conseil agriculture et pêche. Cette opposition a largement alimenté les débats du Conseil de Luxembourg, dont l’ordre du jour était initialement la nouvelle architecture écologique proposée par la Commission.

Inciter les agriculteurs, pas les contraindre

Sur le reste du train de mesures proposé par la Commission européenne pour la Pac après 2027, la France a salué le maintien du principe de conditionnalité environnementale, garant d’un socle commun de règles pour tous les agriculteurs européens. Mais Annie Genevard a exprimé plusieurs réserves : la possibilité de rémunérer le respect de certaines normes risquerait, selon elle, d’affaiblir la concurrence équitable entre les agriculteurs européens.

De même, l’obligation nouvelle de cofinancer à hauteur de 30 % les dispositifs environnementaux pourrait pénaliser les pays disposant de marges budgétaires plus limitées. Enfin, l’absence de seuil minimal de dépenses pour l’environnement et le climat serait « un signe supplémentaire du recul du caractère commun de cette politique ».

Pour la ministre, la transition environnementale ne pourra se faire que si les agriculteurs y adhèrent pleinement. Elle appelle donc à un « équilibre entre obligations et incitations », afin que la future Pac demeure un levier d’accompagnement plutôt qu’un carcan administratif. Au vu de l’ampleur des changements envisagés, Annie Genevard anticipe de nombreux échanges techniques et politiques dans les mois à venir. Elle souhaite par ailleurs poursuivre les efforts de simplification, notamment pour supprimer « les redondances entre différentes normes appliquées sur les mêmes objets ».

(1) Le Conseil agriculture et Pêche regroupe les ministres européens de l’Agriculture et de la Pêche. C’est l’une des formations du Conseil de l’UE, chargée de discuter et d’adopter des décisions concernant les politiques agricoles, la pêche et l’environnement. Les rencontres permettent de coordonner les positions nationales et de négocier avec la Commission européenne et le Parlement européen sur les propositions législatives. Le Danemark assure actuellement la présidence tournante.