Une vague de mécontentement déferle au lendemain du vote en faveur des grandes lignes de la proposition de la Commission européenne concernant les nouvelles techniques génomiques (NTG ou NBT en anglais) par la commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire du Parlement européen.

À l’occasion d’un colloque organisé par l’association Pollinis à l’Assemblée nationale (Paris), le jeudi 25 janvier 2024, députés, chercheurs, agriculteurs, adhérents d’associations et syndicalistes se sont exprimés sur le texte en cours de négociation.

La veille du vote de la position de la commission environnementale, 37 lauréats du prix Nobel et près de 1 500 autres scientifiques prenaient le contre-pied de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et appelaient les eurodéputés à soutenir les nouvelles techniques génomiques dans une lettre ouverte.

Des catégories qui divisent

Pour rappel, le texte actuel propose de distinguer deux catégories de NTG.

  • La première classe des végétaux qui auraient pu être obtenus naturellement ou via des techniques de sélection conventionnelles. Sous réserve d’un nombre limité de mutations, inférieures à 20, ils seraient considérés comme « équivalents » aux variétés conventionnelles et ne dépendraient pas de la législation sur les OGM.
  • La deuxième catégorie de variétés NTG serait soumise au régime encadrant les OGM et s’accompagne d’un étiquetage obligatoire.

« À chaque étape, on introduit de l’ADN étranger de façon intentionnelle », explique Yves Bertheau, directeur de recherches à l’Inrae au Muséum national d’histoire naturelle et spécialiste des OGM. « Le règlement repose sur un mensonge. Il ne classe pas certains végétaux comme des OGM. Nous avons pourtant les techniques scientifiques pour identifier et détecter tous les produits issus de ces techniques génétiques », renchérit Guy Kastler, membre de la commission « OGM et semences » de la Confédération paysanne.

Traçabilité et contamination

Le manque de traçabilité et le risque de contamination questionnent, en lien avec la catégorie 1 non-soumise aux mêmes règles d’étiquetage. Ce mercredi 24 janvier 2024, socialistes et Verts appelaient à renforcer les mesures isolant les cultures NTG, durcir les exigences de traçabilité et de méthodes de détection, tout en réclamant l’étiquetage systématique des produits NTG. « Qu’arrivera-t-il si des champs biologiques sont contaminés (par les cultures environnantes) : il n’y aurait aucune compensation », et la confiance du public serait écornée, réagit l’élu des Verts Martin Haüsling, fustigeant « une catastrophe pour l’environnement ».

« Les végéteaux NTG peuvent induire de nombreuses contaminations entre les champs voisins. Dans ce cas, l’agriculteur biologique voit sa récolte déclassée et ne peut plus la vendre au même prix. Les OGM menacent la confiance des consommateurs et entraînent la mort de la filière AB telle qu’on la connaît », déplore Daniel Evain, exploitant en agriculture biologique et référent en OGM à la Fédération nationale de l’agricutlure biologique (Fnab).

Le flou s’étend de la ferme à l’assiette des consommateurs. « Le consommateur ne saura pas ce qu’il mange, ni l’agriculteur ce qu’il a dans son champ », avait averti le socialiste Christophe Clergeau. S’il reconnaît qu’il peut s’agir d’un « outil utile pour améliorer leurs performances agronomiques », il dénonce une « fuite en avant techno-solutionniste » et un « calendrier précipité », contestant les critères d’identification des NTG au conventionnel.

Des brevets questionnés

Ce 24 janvier 2024, des amendements ont été votés vis-à-vis des brevets sur le vivant. Les eurodéputés proposent « d’interdire totalement les brevets sur tous les végétaux NTG, le matériel végétal, les parties de celui-ci, les informations génétiques et les caractéristiques de processus qu’ils contiennent, afin d’éviter les incertitudes juridiques, l’augmentation des coûts et de nouvelles dépendances pour les agriculteurs et les éleveurs », rapporte un communiqué de presse du Parlement diffusé le même jour.

« Les brevets concernent les procédés techniques pour obtenir les produits (les plantes) et non pas les végétaux NTG en eux-mêmes », fustige Guy Kastler « L’agriculteur qui achètent des semences n’aura pas connaissance des brevets utilisés pour les produire. Il y aura un risque qu’il se fasse confisquer sa récolte pour “contrefaçon”. Pour les récupérer, il devra prouver que ses plantes contiennent naturellement le caractère breveté ou qu’il s’agit d’une contamination extérieure ».

La position de la commission de l’environnement du Parlement européen sera examinée en plénière du 5 au 8 février 2024. À cette occasion, treize organisations syndicales et associatives (Amis de la terre, OGM Dangers, Vigilance OGM 46, Agis pour l’environnement, Objectif Zér’OGM, Unaf, Confédération paysanne, Pollinis, Synabio, Fnab, Générations futures, Greenpeace, Les Faucheurs volontaires) prévoient de mener une action à Strasbourg le 6 février 2024 pour appeler les députés européens à rejeter le texte lors du débat parlementaire.