C’est une première dans l’histoire de la Ve République. La pétition contre la loi Duplomb, enregistrée sur le site de l’Assemblée nationale a récolté plus de 1,3 million de signatures, ce lundi 21 juillet 2025, 11 jours après avoir été lancée. Un succès, qui relance le débat autour de cette loi. Mais quel impact pourrait-elle avoir, alors que la loi a été votée par le Parlement début juillet ?

Un débat à l’Assemblée nationale, sans vote

C’est l’objectif premier des signataires de la pétition : organiser un débat avec tous les députés en séance publique. En ayant franchi le seuil des 500 000 signatures, le débat en hémicycle pourrait avoir lieu.

Dimanche, la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet (Renaissance — Ensemble pour la République, majorité gouvernementale) s’est dit « favorable » à l’organisation d’un débat « dès la rentrée parlementaire », fin septembre. La pétition sera d’abord débattue en commission des Affaire économiques à la suite de la nomination d’un député rapporteur. En revanche, la députée a rappelé qu’un débat « ne pourra en aucun cas revenir sur la loi votée », ceci n’étant pas prévu par le règlement de l’Assemblée nationale.

« Mettre la pression au Conseil constitutionnel »

Si en terme légal, il n’y a aucune obligation d’aller plus loin, le nombre de signataires, inédit, pourrait influencer le Conseil constitutionnel craint le sénateur Laurent Duplomb (Les Républicains), coauteur de la loi. « Ce système de pétition, il est fait pour mettre de la pression au Conseil constitutionnel et espérer qu’il ne valide pas la loi », a-t-il estimé sur RMC ce 21 juillet matin. Les Sages doivent rendre leur avis sur le texte le 10 août au plus tard. Ils pourront soit valider ou non la loi dans son ensemble ou retoquer seulement certains articles.

Au lendemain du vote, les députés de gauche avaient saisi le Conseil constitutionnel. L’institution vérifie si les lois sont conformes au bloc de constitutionnalité. Dans le viseur des opposants au texte, les articles 1er (séparation vente et conseil de phytos), 2 (réautorisation de certains néonicotinoïdes), 3 (seuil relevé pour les Installations Classés Pour la protection de l’Environnement) et 5 (facilitation des projets de stockages d’eau) du texte. Selon les députés, ces mesures ne respecteraient pas la charte de l’environnement et pourraient donc être invalidées par les Sages de la rue de Montpensier.

La Confédération paysanne a annoncé lundi avoir déposé une « contribution extérieure » auprès du Conseil constitutionnel dans le cadre des recours engagés par les députés. Leur texte à destination des Sages vise à présenter « le point de vue d’un syndicat professionnel agricole porteur de l’intérêt collectif des paysans et paysannes » qui seraient, « les premiers touchés par les régressions instaurées par la loi Duplomb » en particulier sur les articles 2, 3 et 5 de la loi.

Recours au président de la République

Une autre possibilité pourrait empêcher le texte d’entrer en vigueur. L’association Générations futures a demandé au président de la République Emmanuel Macron de « ne pas promulguer la loi Duplomb ». « Monsieur le Président, vous avez le pouvoir d’agir pour protéger notre santé, nos écosystèmes et notre agriculture », a appelé Générations futures, dans un communiqué du 20 juillet. L’association propose également d’ouvrir « un grand débat national sur l’avenir de notre agriculture ».

Le président pourrait-il refuser de promulguer la loi ? D’après l’article 10 de la Constitution, il est tenu de promulguer les lois « dans les quinze jours qui suivent la transmission au gouvernement de la loi définitivement adoptée ». Mais il est déjà arrivé qu’un président refuse de signer des ordonnances (François Mitterrand, pour des ordonnances de privatisation d’entreprises du Premier ministre Jacques Chirac lors de la cohabitation). Le président pourrait aussi décider de ne pas appliquer la loi Duplomb en demandant au Premier ministre de ne pas prendre les décrets d’exécution. Une situation qui a aussi son précédent avec Jacques Chirac en 2006 (loi contrat première embauche).

Nouvelle délibération au Parlement

Une ultime voie de recours pourrait aussi se trouver dans les mains du président. Il peut, durant les quinze jours de délai de promulgation « demander au Parlement une nouvelle délibération de la loi ou de certains de ses articles », indique l’article 10. Une délibération, qui « ne peut être refusée » par le Parlement. Reste à savoir si Emmanuel Macron voudra se prononcer sur ce texte très controversé.

Alors que le texte n’a pas été débattu à l’Assemblée nationale (suite à une motion de rejet tactique), trois professeurs de droit assuraient, dans une tribune au Monde ce lundi, de la possibilité du président de la République à « utiliser l’un de ses droits constitutionnels pour inviter l’Assemblée nationale à se saisir de nouveau de ce texte controversé », afin « de permettre que ce débat ait lieu ».