Lors d’une audition le 3 novembre 2025, la direction générale du Commerce (DG Trade, qui élabore et met en œuvre les politiques de la Commission européenne en matière de commerce) a défendu son nouveau mécanisme de protection pour les produits agricoles sensibles face aux eurodéputés de la commission du commerce international (Inta) du Parlement européen, pour le moins sceptique. Nombre d’entre eux craignent que ces mesures ne soient insuffisantes pour protéger les agriculteurs européens.

« Une espèce de réglementation Frankenstein »

La proposition de règlement sur les clauses de sauvegarde bilatérales de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur, adoptée par la Commission le 8 octobre, permettrait un retrait temporaire des préférences douanières en cas d’impact négatif des importations sur les producteurs européens.

« Il s’agit d’une espèce de réglementation Frankenstein », qui combine les dispositions générales des accords bilatéraux, celles spécifiques à l’accord avec le Mercosur et de nouvelles mesures renforcées, a présenté le chef d’unité pour l’Amérique latine à la DG Trade, Paolo Garzotti.

Le texte prévoit un déclenchement quasi automatique des enquêtes dès qu’une baisse de prix de 10 % est constatée, avec une procédure accélérée de quatre mois au lieu de neuf, et des mesures provisoires possibles en trois semaines en cas de circonstances critiques.

Des doutes de tous bords

« Il y a environ un an, vous nous disiez que l’accord n’aurait aucun impact sur les agriculteurs, a rappelé Manon Aubry (GUE/NGL). Aujourd’hui, vous proposez des mécanismes de sauvegarde, preuve que cet accord aura un impact dramatique. » Elle a qualifié le mécanisme d'« extrêmement complexe, alambiqué et globalement voué à l’échec », pointant notamment l’absence de déclenchement automatique et le caractère non contraignant du seuil de 10 %.

Benoît Cassart (Renew) a souligné une « incohérence intellectuelle », s’interrogeant sur la possibilité de prouver que la baisse des prix serait due à l’accord avec le Mercosur alors que l’Union européenne multiplie les accords avec l’Ukraine, le Mexique, le Chili ou l’Australie. Jessica Stegrud (ECR) a regretté l’absence de mécanismes garantissant l’égalité des conditions de concurrence et s’est inquiétée des risques sanitaires liés à l’utilisation d’antibiotiques.

Plusieurs parlementaires ont également questionné la durée limitée des mesures (quatre ans au maximum) et l’absence de protection après la période de transition de douze ans. Barry Andrews (Renew) s’est interrogé sur la prise en compte des risques sanitaires dans le déclenchement des enquêtes, tandis que Luke Ming Flanagan (GUE/NGL) a déploré l’absence de clauses relatives à la destruction environnementale et à la déforestation.

Un système « aussi simple que possible »

Paolo Garzotti a pour sa part défendu la simplicité du dispositif : « La seule chose à prouver, c’est que ces importations pratiquent des prix 10 % inférieurs à ceux des produits communautaires. On ne pouvait pas faire plus simple. » Il a précisé que les enquêtes pourraient se limiter à un seul État membre, avec un suivi spécifique des marchés nationaux, notamment pour les produits sensibles comme la viande bovine.

Sur les accusations d’incohérence, le représentant de la Commission a rappelé que les clauses de sauvegarde sont systématiquement prévues dans tous les accords commerciaux et a souligné que l’Union européenne n’avait « jamais appliqué de mesures de sauvegarde dans le cadre d’accords bilatéraux », espérant « que ce ne sera pas nécessaire » avec le Mercosur.

Maintien des exigences sanitaires

Concernant les contrôles sanitaires, Paolo Garzotti a insisté sur le fait que l’accord ne modifie en rien les exigences actuelles : « Nous envoyons des personnes sur place chaque année pour contrôler leurs abattoirs. Si nous constatons qu’ils ne respectent pas les normes, leurs exportations sont bloquées. » Il a cité l’exemple du scandale Carna Fraca au Brésil en 2018, dont les conséquences se font encore sentir sept ans plus tard.

Il a conclu son intervention en appelant à une adoption rapide du règlement : « Il est très important que nos partenaires soient conscients des efforts que nous faisons pour protéger ces produits agricoles. » La présidence danoise du Conseil a fait savoir qu’elle comptait adopter le dossier sans amendement dès le 6 novembre 2025.