« Le camion-citerne, je suis convaincu, continuera de passer par les fermes », déclare le directeur général de Lactalis France, Jean-Marc Bernier, interrogé le 17 septembre 2024 par la commission des affaires économiques à l’Assemblée nationale.
Revenant sur l’annonce effectuée par le groupe Lactalis, à la fin de septembre 2024, de renoncer à la collecte de 450 millions de litres de lait en France d’ici à l’année 2030, soit près de 9 % de ses volumes actuels, il affirme être « confiant pour trouver des débouchés pour l’ensemble des producteurs concernés ». « C’est une décision difficile à prendre pour l’ensemble du groupe, nous sommes parfaitement conscients des conséquences que cela a sur nos producteurs. » Il justifie cette décision par « la volonté de mieux valoriser le prix payé aux producteurs français ».
Lactalis, premier collecteur de lait de l’Hexagone, exprime son fort engagement à accompagner les producteurs pour trouver des solutions et des débouchés, « au cas par cas ». À court terme, 272 producteurs seront écartés dès 2026, pour un volume de 155 millions de litres.
Des solutions pour la quasi-totalité des producteurs
« Nous avons pris la décision importante de trouver des solutions pour l’ensemble des producteurs concernés, que ce soit dans l’Est ou dans l’Ouest, lorsque nous avons présenté l’objectif de réduire notre collecte de 450 millions de litres de lait », insiste le directeur général du groupe Lactalis France. Il rappelle par ailleurs que « cette baisse n’est pas pour demain matin, elle est à l'horizon de 2030. »
Dans ce processus, une agence a été mandatée et « fait le tour de l’ensemble des transformateurs intéressés par notre lait ». « Nous prenons le temps d’étudier tous les cas des producteurs, précise-t-il. À ce jour aucune résiliation n’a été envoyée aux producteurs. »
Sur ce sujet, « les nouvelles sont plutôt rassurantes et bonnes, parce que des solutions sont en cours d’être trouvées pour la quasi-totalité des éleveurs ». « Le cabinet mandaté a identifié 17 repreneurs possibles, sur l’Est et sur l’Ouest », poursuit-il. « On étudiera au cas par cas pour les producteurs qui n’auraient pas de solution. »
Par ailleurs, le choix d’être aidé par une agence externe est justifié par la volonté « d’éviter d’être en contact direct avec nos concurrents sur le sujet, et qu’il nous soit reproché plus tard des arrangements avec nos concurrents ».
Un modèle français excédentaire
Accusé à plusieurs reprises par les députés présents de vouloir préférer des importations de lait à des coûts moins élevés plutôt que maintenir la production française, Jean-Marc Bernier répond : « Plus de 95 % des produits vendus en France sont faits avec du lait français. » Les importations concernent certaines périodes particulières de l’année avec des besoins de crème pour fabriquer du beurre qui ne sont pas comblés avec la production française.
« Encore une fois, nous ne diminuons pas la collecte en France pour aller se fournir à l’étranger où le prix est moins élevé, nous diminuons la collecte pour favoriser la meilleure valorisation, et parce que le marché français a baissé. » Le modèle économique de la filière laitière est « très sensible », explique-t-il face aux députés. « Il est fondé sur des gros volumes et de faibles marges, avec un prix du lait qui représente 70 % de nos coûts de production en moyenne. »
« Lorsque l’on collecte le lait auprès de nos producteurs, on collecte le lait sans limite de quantité. » Une situation qui conduit forcément à la gestion des excédents. « La capacité que nous avons depuis des années à gérer tous ces excédents laitiers est un signe fort de cet attachement à la filière française que nous défendons tous les jours et malgré les difficultés. Nous n’avons pas du tout l’intention de laisser un agriculteur français sur le bord de la route », se défend le principal intéressé.
Mieux valoriser pour renforcer la filière
Alors face à un marché des produits laitiers « en baisse structurellement depuis plus d’une quinzaine d’années », le groupe Lactalis indique qu’il doit transformer en poudre près de 30 % du lait collecté. Cela n’est pas sans conséquence sur la rémunération des producteurs. En effet, la poudre « est fortement soumise aux cotations internationales, très déprimées depuis de nombreuses années, ce qui dévalorise nettement le prix du lait par rapport aux marchés valorisés en France ou à l’exportation sous forme de produits finis ».
« Comment maintenir une filière laitière française forte ? », interroge Jean-Marc Bernier. « La nécessité est de mieux valoriser le prix du lait en France », affirme-t-il. « Donc, cela fait partie de notre réflexion de dire : on peut mieux valoriser en France mais pour ce faire il va falloir réduire nos expositions aux poudres laitières au niveau mondial. » Ainsi, « on préfère le choix d’une meilleure valorisation ».