Pourquoi un décret est-il à nouveau sorti ?

Ce décret du 20 juin 2023 est la conséquence de l’annulation d’un premier décret par le Conseil d’État le 9 décembre 2022, à notre demande. La Commission européenne n’a ensuite ni interdit, ni donné d’avis sur le deuxième décret écrit et mis en consultation juste après cet avis du Conseil d'Etat : elle l’a suspendu, comme tous ceux des autres pays sur le même sujet (par exemple l’Espagne). En effet, il ne peut pas y avoir de notification de décret quand un règlement doit sortir. Ce réglement, qui pourrait arriver en 2024, s’imposera alors aux États.

Qu'est-ce que le décret change ?

À notre connaissance, ce troisième décret français, pris le 20 juin 2023, qui est une avancée incontestable par rapport aux précédents textes, n’a pas été notifié à l’Europe. Il existe en effet une disposition européenne qui permet dans un certain nombre de cas de prendre à nouveau un décret, seulement s’il y a des modifications substantielles. Or c’est le cas, puisqu’une une grande partie des revendications exprimées par Interfel lors de la consultation publique a été prise en compte.

« Les élastiques nécessaires au regroupement de plusieurs petits fruits ou légumes, tels que ceux qui sont présentés à la vente avec des fanes (radis, carottes, etc.) ou encore les herbes aromatiques, sont désormais intégrés dans le nouveau décret. »

Nous avions notamment argumenté sur le fait que beaucoup de gens récupèrent les élastiques, et qu’ils ne sont donc pas à usage unique, mais aussi qu’ils sont essentiellement faits de caoutchouc. Désormais, il est très clairement indiqué dans le texte qu’il est possible de les employer. Notre demande à ce sujet a donc bien été prise en compte. Toutefois, avec une centaine d’espèces représentées dans la filière, certaines demandes n’ont pas été retenues comme c’est le cas pour le raisin ou les minilégumes.

Quelles sont les prochaines étapes attendues ?

A priori, nous n’allons pas à nouveau recourir au Conseil d’État. Malgré tout, l’Europe pourrait considérer qu’il y a un défaut de notification ou le suspendre à nouveau s’il était notifié. Il pourrait alors être attaqué par des opérateurs, qui ont d’autres d’intérêts que les nôtres, notamment au sujet des emballages plastiques, par exemple. Car je tiens à rappeler que nous ne sommes pas des marchands d’emballages et que nous sommes d’accord pour la sortie du plastique. D’ailleurs, nous sommes le premier secteur de vente en vrac (70 % de nos produits) et on ne pèse que 1 % du plastique alimentaire.

Par ailleurs, à ce stade, la décision française ne change pas les échéances prévues pour les parties de produits qui doivent passer sans emballage plastique à la fin de décembre. Il y aura en effet une période d’écoulement des emballages de six mois à partir du 1er juillet 2023. Mais compte tenu du règlement européen en route, qui sera la conséquence des diverses négociations et consultations, ce texte pourrait être très différent du décret français.

Quelles sont vos principales inquiétudes ?

La vraie question, c’est désormais de savoir s’il y a une convergence entre les parties pour aboutir sur un texte européen qui sera en conformité avec les investissements déjà réalisés par la filière et ceux à venir. Nous allons donc travailler avec les instances dans le cadre européen pour essayer d’aboutir à quelque chose de sérieux avec la volonté de sortir du plastique et aussi d’avoir un seul règlement et une situation transitoire gérable pour nos entreprises.

La position d’Interfel est depuis le début, l’harmonisation. Nous sommes sur un marché unique. On ne peut pas continuer avec des dispositions de plus en plus divergentes au niveau européen. Toutefois, plusieurs pays tels que l’Italie sont radicalement opposés au projet européen. Il va donc y avoir un débat. De notre côté, nous souhaitons un seul règlement pour ne pas rompre l’équilibre des échanges.

Les investissements doivent être accompagnés et garantis, faute de quoi il y aurait une vraie problématique si le règlement européen était différent de la pensée française. Nous allons écrire un courrier dans ce sens-là au gouvernement et demander l’ouverture d’un guichet réservé à l’investissement (fonds prévus par l’Ademe) et une garantie sur les soldes restants en cas de règlement européen différent. On ne peut en effet pas demander à une filière d’investir de l’argent et que cette décision soit contredite par un texte quelques mois plus tard. Rappelons qu’il y a déjà eu plusieurs millions d’euros d’investis dans la première vague, notamment concernant la pomme.