Pionniers sur le sujet, les agriculteurs du Tarn ont monté l’Association tarnaise pour le développement de l’agriculture de groupe (Atag) en 1993. « Ils avaient pour idée que l’agriculture de groupe peut être une réponse à un métier difficile, qu’elle peut donner de meilleures conditions de travail et une meilleure viabilité », raconte Virginie Rousselin, salariée de l’association.
S’associer entre tiers
Cette dernière accompagne quotidiennement différents types de groupes d’agriculteurs avant leur formation, en cours de vie, ou lors de conflit. Mais depuis 2007, elle voit émerger dans son département de nouvelles formes d’installations en collectif, hors Gaec familial ou en couple. Des tiers qui décident de s’associer, de mutualiser leurs moyens de production et de partager leurs revenus. Un phénomène qui prendrait récemment de l’ampleur. Dans le bocage ornais, le réseau Civam (1) et la Coop des territoires lancent cet été la deuxième édition d’Alterfixe, un camp autogéré pour provoquer la rencontre entre futurs cédants et collectifs.
« Il y a une exigence des porteurs de projet vis-à-vis du bien-être et de la qualité de vie. Le simple fait de travailler dehors ou d’être son propre patron ne suffisent plus, commente Guillaume Massein, animateur à l’Adear (2) du Gard. Les futurs installés sont attachés au temps libre auquel le collectif apporte une réponse. »
Mais l’installation en collectif aurait d’autres intérêts. « Beaucoup d’associés en Gaec nous disent avoir été rassurés de s’installer en société pour progresser sur les aspects managériaux, comptables, etc. et partager les bénéfices et les risques, rapporte Victoria Timmerman, juriste chez Gaec & Sociétés. On note aussi une volonté de ne pas être seulement producteur agricole. En travaillant à plusieurs, on peut développer d’autres compétences et activités. »
Choix juridique
« On distingue deux grands schémas d’installation en collectif avec des dénominateurs communs : plusieurs ateliers de production et de la vente directe, observe Virginie Rousselin. Il y a ceux qui s’installent en structure de type Gaec et EARL et mutualisent leurs productions et leurs revenus. Puis ceux qui font coexister plusieurs structures juridiques sur un même lieu avec un partage du matériel, de l’entraide, etc. sans mutualiser leurs revenus et en gardant une autonomie de choix décisionnel. »
Se pose alors la question de la forme juridique adaptée au collectif. « Jusqu’à présent, le choix se portait sur le Gaec car ce statut donne accès aux aides et à la dotation au jeune agriculteur », explique Guillaume Massein. Mais d’autres formes juridiques, telles que les sociétés coopératives de production (Scop) se démocratisent peu à peu.
« Elles sont souvent constituées de gens non-issus du monde agricole qui ont une expérience dans le salariat et veulent retrouver la sécurité de ce statut tout en étant chef d’exploitation, souligne Victoria Timmerman. Dans la Scop, on est salarié associé. En termes de gouvernance, on est sur un partage de décision. Mais en termes sociaux, on a la même sécurité qu’un salarié ». Néanmoins, les associés des Scop ne peuvent pas prétendre aux aides à l’installation. Et ce n’est que depuis peu, que la Scop peut être considérée comme respectant les critères d’agriculteur actif vis-à-vis de la Pac, à la condition que les associés détenant la majorité du capital social soient affiliés comme tels.
Préparer le projet
« Il y a encore deux ans, il y avait moins de dix Scop en France. Le phénomène est encore nouveau, note Victoria Timmerman. Le réseau n’est pas encore complètement à l’aise avec ces sujets et se forme. […] Mais ce qui est le plus important, au-delà des aspects techniques, c’est de préparer son projet en amont avec une tierce personne sur tous les aspects liés à l’organisation du travail et au fonctionnement à plusieurs dans le cadre professionnel. »
En 2021, une étude de cas sur les fermes collectives (3) montre que l’installation en collectif peut être un levier intéressant pour le renouvellement des générations en agriculture. Elle souligne aussi que le facteur humain reste « le plus compliqué à gérer dans la durée ». Alors comment tester la compatibilité du collectif avant de s’installer ensemble ?
Dans la Manche, l’espace-test de Courcy accueille depuis un an des porteurs de projet souhaitant s’installer en collectif et tester leur complémentarité. Le salariat, les stages ou encore le « droit à l’essai » peuvent également être des réponses, avec leurs limites. Par exemple en Occitanie, où le contrat emploi formation installation (Cefi) n’est ouvert qu’aux hors-cadre familiaux.
« Il y a besoin d’inventer des dispositifs pour se tester et pour accompagner le fonctionnement du collectif, plaide Virginie Rousselin. Il s’agit d’un besoin qui n’était jusqu’alors pas identifié et permettre de se tester peut favoriser l’installation. »
(1) Centre d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural.
(2) Association pour le développement de l’emploi agricole et rural.
(3) Les fermes collectives : leviers de transition agricole et rurale ? (Projet Ruralization)