Entre 2010 et 2020, la main-d’œuvre, en comptant celle des exploitants, a chuté de 20 % dans les élevages de bovins, ovins et caprins. Dans le même temps, le pourcentage de fermes d’élevage employant des salariés a augmenté de 11 points, passant de 20 % à 31 %, selon la MSA. « Le recours au salariat s’est largement développé », résume le rapport « Élevage de ruminants : vers une pénurie de main-d’œuvre ? » publié le 18 décembre 2023 par le centre d’études et de prospective du ministère de l’Agriculture.

Les fermes bovines font face à un plus grand désistement.

À partir des recensements agricoles de 2010 et 2020, les auteurs de l’étude ont analysé l’évolution de la main-d’œuvre agricole (exploitante et salariée) dans les élevages de bovins, caprins et ovins. Ces fermes regroupent la moitié des emplois agricoles non-salariés, avec une surreprésentation de l’élevage bovin (8 exploitations de ruminants sur 10).

Ces fermes bovines font face à une tendance de fond lourde : les taux d’installation sont les plus bas et la main-d’œuvre chute de 27 % dans les exploitations laitières et de 16 % dans les exploitations allaitantes.

La baisse du nombre d’élevages ovins et/ou caprins a été moindre, avec même une légère hausse entre 2019 et 2020. Entre les deux recensements, ceux de 2010 et 2020, 46 300 élevages de ruminants ont disparu. Cela représente une chute de 24,3 % contre seulement 9 % de baisse pour les exploitations d’élevage sans herbivores. Cela concerne majoritairement les statuts individuels (–39 %).

L’emploi salarié permanent remplace progressivement la main-d’œuvre familiale

Quelles sont les causes de la baisse du nombre d’élevages ? Principalement le vieillissement des chefs d’exploitation. En 2020, plus de la moitié des éleveurs actifs avaient plus de 50 ans. La réduction du volume de main-d’œuvre concerne d’autant plus les élevages de ruminants avec une baisse de 20 % en dix ans, contre –11 % pour l’ensemble de l’agriculture.

Si la main-d’œuvre familiale reste majoritaire en élevage, l’emploi salarié permanent se développe (+8,2 % en dix ans) remplaçant progressivement la main-d’œuvre familiale.

De même, les éleveurs ont plus fréquemment recours à la sous-traitance, pour des tâches classiques comme l’ensilage, pour « se concentrer sur leur activité d’élevage principale », observe le rapport. Entre 2010 et 2020, le recours aux Cuma a bondi de 44 %.

Un salariat jeune, tremplin vers d’autres activités

« À rebours du vieillissement de la population des exploitants, les salariés se révèlent particulièrement jeunes. » En 2020, sur toutes les fermes, 4 salariés sur 10 ont moins de 30 ans.

« Si les CDI sont majoritaires en volume, la croissance du salariat a reposé sur l’usage de CDD (saisonniers ou non) », tempèrent toutefois les auteurs. La majorité des emplois sont des temps partiels, c’est pourquoi la rémunération reste basse.

À défaut donc d’être une solution de long terme, le salariat représenterait davantage un tremplin vers d’autres emplois (78 % quittent le milieu agricole) ou vers l’installation, observe le rapport.

« La population des salariés et apprentis constitue, en élevages de ruminants, un vivier pour l’installation des chefs d’exploitation : 7 % des salariés de 2010 et 15 % des apprentis se sont installés dix ans plus tard dans de tels élevages. »

Cette proportion rassure. « Environ 4 000 jeunes actifs entrent chaque année dans le secteur de l’élevage de ruminants. » Un chiffre stable, pendant la décennie 2010.

Les installations qui remportent le plus de succès sont celles en circuits courts (71 % des caprins depuis 2010 contre 54 % avant), en agriculture biologique (données d’avant la crise), et en micro-exploitation (18 à 24 % en ovins à viande).

Les doubles actifs sont aussi plus nombreux depuis 2010 par rapport aux années 2000, principalement en ovins viande et vaches allaitantes : de 18 à 30 % et de 13 à 24 %.

45 % des élevages de vaches laitières ne sont pas transmis

« L’élevage caprin fromager fermier est un des secteurs les plus attractifs de l’agriculture française, avec une augmentation du nombre d’exploitations entre 2010 et 2020 (+500). Ce secteur semble beaucoup plus accessible aux installés hors cadre familial, qui y sont majoritaires. » Mais le turn-over est important : un quart des carrières durent moins de 11 ans, et 10 % ne dépassent pas 4 ans.

L’attractivité de l’élevage ovin-caprin complique la reprise des élevages de bovins laitiers. Actuellement, 45 % des élevages de vaches laitières ne sont pas transmis.

Au contraire, avec ces nouvelles exploitations, les transmissions des caprins grimpent à 106 %, témoignant de l’attractivité du secteur, tout comme les brebis (94 % pour les élevages de brebis à viande et 91 % pour les élevages de brebis laitières). Des transmissions en hausse, qui donnent de l’espoir face à l’enjeu du renouvellement des générations.