La possible ratification de l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur est plus que jamais dans le viseur des agriculteurs. Peut-être parce qu’ils craignent d’être les prochains sur la liste, plusieurs acteurs de la grande distribution ont décidé de faire des promesses sur leur approvisionnement depuis l’union économique d’Amérique du Sud. Carrefour, Les Mousquetaires (Intermarché) et Leclerc, ont ainsi chacun apporté des garanties en la matière.
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Ainsi, dans un communiqué le 21 novembre, le groupe Les Mousquetaires a pris « l’engagement de ne pas commercialiser de viande bovine, porcine et volaille issue des pays d’Amérique du Sud » dans les rayons de ses supermarchés. Il s’engage aussi à la supprimer des produits transformés sous « ses marques propres ».
Alexandre Bompard, PDG de Carrefour s’était la veille, adressé directement au président de la FNSEA, Arnaud Rousseau. « En réponse à cette inquiétude, Carrefour veut faire front commun avec le monde agricole et prend aujourd’hui l’engagement de ne commercialiser aucune viande en provenance du Mercosur », a-t-il écrit dans une lettre ouverte.
Une pierre dans le jardin des transformateurs
Le 24 novembre dans l’émission du Grand Jury RTL-M6-Le Figaro-Public Sénat, Michel-Édouard Leclerc a assuré quant à lui que son groupe est déjà engagé sur cette voie. « À 99 %, nous ne vendons pas de viande du Mercosur », a-t-il promis.
Le dirigeant ne s’est pas arrêté là dans sa réponse et a éclairé sur la possible stratégie derrière la position des distributeurs. « Mais il faut que nos industriels de l’agroalimentaire nous disent dans les produits transformés, d’où viennent leurs produits, lance-t-il. Les industriels doivent pouvoir nous dire la part de produits importés de ces pays (le Mercosur) ».
Carrefour n’est pas en reste et, toujours par la plume d’Alexandre Bompard, invite à regarder ailleurs. « J’appelle en particulier les acteurs de la restauration hors domicile, qui représente plus de 30 % de la consommation de viande en France — mais dont 60 % sont importés — à se joindre à notre engagement », souligne-t-il.
Voilà une manière habile de mettre la pression sur les transformateurs de l’agroalimentaire à l’aube des négociations commerciales et de détourner le regard alors qu’un rapport du Sénat pointe la baisse de la part des produits issus de l’agriculture française dans les rayons.
Le Brésil furieux contre Carrefour
Si Intermarché et Leclerc opèrent principalement en France, ce n’est pas le cas pour Carrefour. Et la prise de position du distributeur a été largement relayée dans un pays où il est aujourd’hui leader, le Brésil. Les parlementaires pro-Agrobusiness brésiliens ont fustigé cette décision dans une lettre ouverte.
« La décision annoncée démontre une approche protectionniste qui contredit le rôle d’une entreprise mondiale opérant sur des marchés divers et interdépendants. Ce positionnement, en plus de dévaloriser la qualité et la durabilité de la viande produite dans les pays du Mercosur, mine le dialogue et le partenariat nécessaires pour faire face aux défis mondiaux tels que la sécurité alimentaire », accusent-ils avant d’appeler au boycott pur et simple.
Prise dans le tourbillon médiatique, l’antenne locale du distributeur français a dû se justifier dans un communiqué. « Carrefour France informe que la mesure annoncée hier (NDLR : le 20 novembre),ne s’applique qu’aux magasins en France. À aucun moment, il ne fait référence à la qualité du produit du Mercosur, mais seulement à une demande du secteur agricole français, actuellement dans un contexte de crise », s’est-elle expliquée.
Peine perdue, dans la foulée, JBS géant mondial brésilien de la transformation de viande, annonçait la suspension des ventes et livraisons de viande à Carrefour de sa marque Friboi qui représente près de 80 % de la viande vendue par le distributeur dans le pays. Masterboi et Marfrig, deux autres fournisseurs lui ont emboîté le pas.
Si la pénurie n’est pas encore d’actualité, le distributeur accuse le coup. « Malheureusement, la décision de suspendre l’approvisionnement en viande affecte nos clients, en particulier ceux qui nous font confiance pour approvisionner leur foyer avec des produits de qualité et responsables, regrette Carrefour Brésil. Nous continuerons à travailler pour résoudre cette situation de la meilleure façon possible. » Même au Brésil, c’est ce qu’on appelle l’effet boule de neige.