Chaque année, à l’issue des négociations commerciales, le groupe de suivi des lois « Egalim » du Sénat évalue les dispositifs adoptés depuis 2018. Dans un rapport présenté le 20 novembre 2024, les rapporteurs Daniel Gremillet (Vosges/Les Républicains) et Anne-Catherine Loisier (Côte-d’Or/Union centriste) plaident pour une stabilité législative après deux années de volatilité des prix.
Une mise à l’épreuve d’Egalim
Les années 2022 et 2023 ont mis à l’épreuve les principes de la « marche en avant » instaurée par les lois Egalim. « Tous les acteurs auditionnés par le groupe de suivi ont fait le constat d’un climat de négociations particulièrement délétère au cours du cycle 2023-2024, caractérisé par le retour du rapport de force “pur et dur”. La pression déflationniste du Gouvernement de l’époque a conforté les demandes de baisses de tarifs des distributeurs », soulignent les auteurs.
Cette logique observée de partir d’un prix de l'aval en déflation pour obtenir le tarif de l’industriel s’oppose à celle du prix en marche en avant d’Egalim. « En 2023-2024, les rapporteurs ont constaté que des hausses du coût des matières premières agricoles ont parfois abouti à… des baisses de tarifs ! Il s’agit d’une sanctuarisation artificielle de la matière première agricole où la négociation se reporte sur d’autres postes de coûts, comme ceux des matières premières industrielles. »
Un recul des produits français dans les rayons
Le rapport souligne également un décrochage des produits issus de l’agriculture française dans les rayons, notamment au profit de marques de distributeur (MDD) fabriquées à partir de matières premières dont l’origine est « Union européenne » ou ailleurs.
« Cette guerre des prix au détriment des matières premières agricoles françaises confirme les doutes formulés dès l’examen de la première loi Egalim par le Sénat sur la stratégie de “montée en gamme” de l’agriculture française — doutes par ailleurs confirmés par la non-atteinte des objectifs de produits bio et de qualité dans la restauration collective publique », s’alarment les rapporteurs.
Des lois Egalim contournées
Malgré les avancées législatives des lois Egalim, ces dernières souffrent d’un « déficit d’application » soulevé par le rapport. La contractualisation écrite, pourtant généralisée depuis Egalim 2, reste marginale dans plusieurs filières, avec des taux de contractualisation très bas, comme 25 % dans la filière bovine à la fin de 2023 (17 % en 2022).
Les auteurs regrettent que de « nombreux indicateurs de référence (NDLR : servant de base de négociation) ne sont tout simplement pas publiés par les interprofessions, parfois faute d’accord entre les acteurs ».
Par ailleurs, les centrales d’achat internationales sont devenues « le moyen de contourner les lois Egalim ». Une pratique qui concerne jusqu’à 50 % des volumes de produits commercialisés (environ 20 % en valeur) par la grande distribution en France. Les rapporteurs appellent le gouvernement « à prononcer systématiquement des sanctions à l’encontre des centrales étrangères qui ne respectent pas le cadre défini par les lois Egalim ».
Des propositions sans bouleverser l’essentiel
Les rapporteurs insistent sur l’importance de ne pas bouleverser les bases existantes, alors que les acteurs peinent encore à s’adapter aux dispositifs récents. L’objectif de leurs recommandations est d’améliorer les lois Egalim sans les « détricoter ». Ils recommandent notamment de renforcer la construction « marche en avant » du prix selon les réalités économiques agricoles.
Les auteurs du rapport appellent les interprofessions « à prendre leurs responsabilités » en publiant les indicateurs de référence. Souhaitant la généralisation de la contractualisation écrite, ils plaident aussi pour le renforcement des clauses de révision automatique du prix en les intégrant au socle de la négociation. Concernant la durée des négociations, ils souhaitent la réduire de trois à deux mois après 2025 en les clôturant au 1er février.
Ces recommandations rejoignent celles des anciens députés qui avaient été missionnés par l’ancien gouvernement pour formuler des propositions en vue d’une loi Egalim 4.