L’Académie d’agriculture prépare un rapport sur la consommation alimentaire et les effets de son évolution sur les chaînes agricoles et agroalimentaires. Le principal animateur de ce groupe de travail, l’économiste Philippe Goetzmann, appelle à un renversement du mode de pensée : il prône un sens qui va du consommateur à l’agriculteur. Du « fork to farm », pour inverser le slogan de la Commission européenne qui élaborait une politique « farm to fork », du champ à l’assiette. Ce groupe de réflexion a fait un point intermédiaire le 2 octobre 2024 à Paris.

Si on prolonge les courbes actuelles de la consommation alimentaire, le tableau n’est pas rose. Du côté des industries alimentaires, « on résume avec la formule des 4D : déconsommation, les gens achètent moins ; descente en gamme, ils achètent moins cher ; discount, ils traquent les promotions ; et débats, parce que l’alimentation devient un sujet d’engagement sociétal », lance Benjamin Le Sant, chargé de communication de l’Ania.

La consommation baisse

« La consommation est en baisse depuis 2016, en volume », note Emily Mayer, du cabinet Circana spécialisé dans les analyses de marché pour la grande distribution. « Je n’ai jamais vu autant de baisses de quantités consommées », confirme l’économiste Pascale Hébel. En valeur, ce n’est pas mieux. La vague d’inflation de 2022-2023 a poussé les consommateurs à chercher des prix bas, terminant d’achever la politique de montée en gamme enclenchée en 2017 avec les États-généraux de l’alimentation. « Les gens font des arbitrages : le logement ou l’aliment. Résultat, 40 % des Français sont en insécurité alimentaire, comme les familles monoparentales, les classes populaires, les étudiants, les personnes âgées, les célibataires… », résume Pascale Hébel.

L’alimentation repoussée à la périphérie

D’autres tendances sociologiques de long terme apparaissent. « Le rythme de nos vies s’accélère. L’alimentation, qui était centrale, est repoussée à la périphérie, coincée au milieu de nos autres activités. C’est le sandwich qu’on prend dans le train ou entre deux réunions. Mais c’est aussi l’émergence d’une population qui est prête à payer des gens pour leur faire à manger. C’est la montée impressionnante du service lié à l’aliment. On avait une culture du produit et on va vers une culture du service », avertit le chef du service de prospective du ministère de l’Agriculture, Bruno Hérault.

Là où on peut agir

Philippe Goetzmann reprend : « Là où on peut agir, c’est sur l’offre, le prix et l’organisation de la filière. On peut influencer certains points, comme avec le Nutri-Score ou l’éducation alimentaire, mais ça reste dans les mains du consommateur, au final. » Pour lui, il est temps de raisonner les filières agroalimentaires en les orientant vers le client et pas en les pensant depuis le produit. « Est-ce que nous produisons en France les matières premières agricoles de demain ? Nous sommes sans doute capables de le faire mais il faut bien constater qu’il y a eu des écarts depuis vingt ans », répond-il.