En 2017, avec les États-généraux de l'alimentation et Emmanuel Macron, les filières agroalimentaires se sont lancées dans une montée en gamme. Aujourd'hui, la crise de la distribution alimentaire montre-t-elle que c'était une erreur ?
La montée en gamme pouvait se comprendre à ce moment-là parce que, dans les années 2010, on avait constaté une légère montée en gamme dans le mix-produit. Mais c’était une erreur de croire que c’était une pente naturelle. Elle se passait en pleine guerre des prix et traduisait un effet de vase communicant : au sein du panier alimentaire, les produits classiques étaient achetés à bas prix pour pouvoir se payer d’autres produits chers. À l’inverse, quand les prix ont augmenté, les achats ont diminué.
Aurions-nous pu faire autrement ?
La montée en gamme ne pouvait pas être une politique univoque parce que les comportements des consommateurs sont diversifiés. Il aurait fallu marcher sur deux jambes : d’un côté, le haut de gamme et, de l’autre côté, les commodités pour de plus grands volumes.
Pourtant, un consensus semblait se dégager en faveur de la montée en gamme ?
En 2017, le discours consistait à dire que nos coûts de production nous obligeaient à monter en gamme. Mais en disant cela, nous abandonnions l’essentiel de notre alimentation aux importations pour répondre à la demande de prix des consommateurs. Depuis, les crises successives ont montré que nous avons un problème de compétitivité. En cela, la construction du prix « en marche avant » est vouée à l’échec. Elle va ouvrir encore plus en grand les portes de l’importation.
Désormais, où les filières agroalimentaires pourraient-elles trouver leur salut ?
Il faut travailler spécifiquement sur la compétitivité de ces filières. L’État doit acter qu’elles sont des enjeux de souveraineté. Cela permettrait de déclarer spécifiquement un moratoire sur leurs impôts de production et de leur faire bénéficier de baisses de charges sociales. Même provisoirement, ça permettrait de redonner du souffle et de faire redémarrer la machine de la croissance.
Mais les filières elles-mêmes ne pourront pas faire l’économie d’une restructuration pour augmenter la taille des industries alimentaires parce que c’est là que se fixe la valeur ajoutée de tout le secteur. Les comparaisons internationales, en particulier l’Italie et l’Allemagne, montrent que les industries françaises sont trop atomisées pour générer suffisamment de valeur et pour s’atteler à l’exportation.
Faut-il miser sur les marques de distributeur pour concilier le prix et l’approvisionnement français ?
Il est vrai que les marques de distributeur sont amenées à croître en France pour rattraper les parts de marché moyennes en Europe. Mais ce n’est pas une piste suffisante parce qu’elles sont aussi confrontées à la question de la compétitivité. À moins de fermer les frontières, on ne peut pas empêcher un fabricant de chercher les approvisionnements les plus performants. Il faut regarder la réalité en face : nous sommes dans un marché européen et nous sommes confrontés à un problème de pouvoir d’achat.