L’espoir né en avril 1525 retombe rapidement, alors que la révolte des paysans, venue d’Allemagne, s’était propagée en Alsace et dans le duché de Lorraine (1). La peur sociale des maîtres du sol les conduit à réagir brutalement en faisant appel à la force militaire la plus puissante des environs, celle du duc Antoine de Lorraine. Il s’agit de mettre fin à l’expérience de cette « république paysanne » et aux premières négociations ouvertes. Le duc Antoine de Lorraine, auquel se rallient la plupart des seigneurs de Basse Alsace, décide une expédition pour réduire les insurgés à l’obéissance, dès le 4 mai. L’atmosphère de croisade contre les « Luthériens » galvanise les Lorrains.

Des mercenaires écrasent militairement les bandes paysannes

Le 14 mai, le duc opère un mouvement avec une armée de mercenaires de 10 400 hommes qui écrase militairement les bandes paysannes : à Lupstein le 16 mai, à Saverne le 17 mai, puis à Scherwiller le 20 mai. La dernière troupe est anéantie en novembre près de Belfort. La répression est terrible.

À Lupstein, 3 000 à 4 000 paysans insurgés, les « Rustauds », sont massacrés ou brûlés vifs dans l’église. Jetés dans une fosse commune, puis déposés dans un ossuaire, leurs restes ont longtemps été accompagnés d’un écriteau : « Hütet euch vor dem Lotringer » (« Méfiez-vous du duc de Lorraine »).

On estime le nombre des morts autour de 20 000 en Basse Alsace, localement jusqu’à 10 % de la population. Cependant, sur la rive gauche du Rhin, le mouvement ne s’était pas cantonné aux campagnes alsaciennes ou lorraines. En Franche-Comté, une partie du bailliage d’Amont est ravagée en mai 1525. Les campagnes sont pillées autour de Lure, Villersexel, Vesoul, Faucogney. Il faut attendre juillet, à la bataille de Villersexel, pour que la progression des paysans luthériens soit arrêtée.

Le retour à l’ordre est brutal

Dans un climat de répression sanglante, le retour à l’ordre est brutal. Pour une partie de la bourgeoisie alsacienne, le « bon duc Antoine » est perçu comme un libérateur. Martin Luther (1483-1546) lui-même condamne la guerre des paysans : même s’il pense leur cause juste, le réformateur ne soutient pas la violence et estime qu’elle a dépassé ses propos. Il légitime la mise au pas effectuée par la noblesse. En dehors de la répression, le retour à l’ordre s’effectue par la rémission et la renonciation à toute vengeance des paysans repentis.

Le 11 novembre, Eucharius Weber, de Weyersheim (Bas-Rhin), l’un des révoltés, jure le serment de renonciation, l’Urfehde : « Moi, Eucharius Weber, de Weyersheim, reconnais publiquement et fais savoir à tous que jadis, lorsque j’étais, non pas dans la lumière des successeurs du juste évangile mais des falsificateurs, j’ai pris part de ma propre initiative, par méchanceté, sans contrainte et de manière irréfléchie, à l’assemblée des paysans révoltés ; que j’ai juré de m’associer à leur mauvaise entreprise et de détruire les princes, seigneurs et autorités, d’aider à abolir les dîmes, cens et servitudes. »

Martin Luther, peu familier du monde rural par ses origines familiales et ses relations sociales, pouvait-il être le champion de la remise en cause du vieil ordre féodal ? Désavoués, les paysans se sont détachés de son message pour revenir à un catholicisme prudent ou s’orienter vers une forme contestataire du protestantisme, l’anabaptisme.