« Il est urgent d’agir pour nos filières », alerte Dominique Chargé, le 4 septembre 2024. Le président de La Coopération Agricole s’inquiète d’une rentrée qui s’effectue « dans un contexte général particulièrement instable » et souligne une instabilité « multifactorielle » causée par « une baisse de l’influence » de la France au niveau européen, une instabilité politique liée à la dissolution de l’Assemblée nationale et qui marque un « coup d’arrêt » à tous les travaux entrepris, une instabilité géopolitique et la recrudescence des aléas climatiques et sanitaires.
Consommer « moins et moins cher »
Malgré le recul de l’inflation, l’orientation de la consommation alimentaire est toujours à la baisse. Le consommateur « achète moins et moins cher », souligne Dominique Chargé (–5,9 % en volume depuis 2019, Direction générale du trésor, flash conjoncture juillet 2024), « ce n’est plus conjoncturel mais durable et cela aura un impact tangible sur nos filières », estime-t-il. Il rapporte également l’essor de la consommation hors domicile (+30 % en restauration rapide entre 2019 et 2023, selon Food Service Vision 2024, contre +4 % pour la restauration à table) « pour laquelle notre agriculture n’est pas orientée ».
Par ailleurs, le secteur agricole encaisse « un choc de production » avec une production nationale « qui décline depuis 20 ans », –62 % en protéagineux, –26 % en bovins, –23 % en vin et fruits, –8 % en porcs et –5 % en volaille, a listé Dominique Chargé, et « au moins une crise par an depuis 2020 » avec de nombreux aléas climatiques et sanitaires.
Investir pour les transitions
Il met en avant que les coopératives ont « des marges trop faibles au regard des besoins massifs d’investissements ». Les 4,37 % de marge opérationnelle moyenne (Ebitda) comptabilisée en 2022 ne suffisent pas à absorber les augmentations de charges, notamment sur l’énergie et les salaires.
Pour que les coopératives puissent accompagner la transition agroécologique, la décarbonation des filières et la modernisation et l’adaptation de la production aux nouveaux modes de consommation, « l’effort d’investissement est de 500 à 600 millions d’euros par an jusqu’en 2030 », estime-t-il.
« Compétitivité coûts » prioritaire
Dominique Chargé souligne « un point de fragilisation extrême de nos modèles économiques », qui sont à « bout de souffle » et que nous risquons de « passer d’un pays producteur à pays importateur » de denrées alimentaires. La Coopération Agricole propose trois axes de travail « structurants » pour sauver les filières agricoles : redresser la compétitivité, accélérer l’accompagnement des transitions et adapter notre production aux nouveaux modes de consommation.
Le syndicat estime qu’il faut faire de la « compétitivité coûts » des filières une priorité en réduisant l’impact des impôts de production et du coût du travail ainsi qu’en ajustant les taux d’intérêt. Il demande la mise en œuvre du fonds pour les industries agroalimentaires de 500 millions d’euros promis par le gouvernement pour pouvoir « réorganiser le parc industriel » des coopératives.
« Sécuriser l’accès aux ressources »
Pour accélérer l’accompagnement des transitions, La Coopération Agricole estime qu’il faut « sécuriser l’accès aux ressources » pour les filières, comme l’eau par exemple et que l’on « revienne » sur la séparation vente-conseil. « J’espère que ce point sera repris [par le futur gouvernement], nous attendons les dispositions réglementaires », explique Dominique Chargé, qui confie sa déception de ne pas voir ce dossier aboutir, alors que le travail avait bien avancé avec le cabinet de la ministre déléguée démissionnaire Agnès Pannier-Runacher.
Les coopératives demandent également la création « d’un fonds en faveur de la transition agroécologique » et que les agriculteurs soient rémunérés pour ces transitions, notamment par des paiements pour services environnementaux par exemple.
Entrée et cœur de gamme
Pour s’adapter aux nouveaux modes de consommation, Dominique Chargé veut que les filières puissent « reconquérir l’entrée et le cœur de gamme » et qu’une « exception agricole » soit mise en place dans la commande publique pour faciliter l’accès à ce marché aux productions françaises.
« Je souhaite appeler à une certaine force d’urgence à agir », plaide Dominique Chargé. […] « Nous sommes au seuil d’une crise économique agricole et agroalimentaire et d’une perte de notre capacité à produire », alerte-t-il.