L’affichage des conditions de rémunération des producteurs, ou Rémunérascore, est dans les clous depuis la loi Egalim 2, promulguée le 18 octobre 2021. Le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), chargé de cadrer l’expérimentation d’un étiquetage harmonisé, a publié son rapport le 20 février 2023.
Lancée prochainement par décret, une expérimentation nationale de cinq ans sera prévue sur la viande, le lait et les produits bios. Comme pour l’affichage environnemental, le test doit permettre de trouver un consensus entre les acteurs agroalimentaires sur l’affichage et la méthode de calcul des indicateurs.
Indicateurs, mode d’affichage… une recette à concocter
Selon les experts, le Rémunérascore doit mettre en valeur les coûts de production d’un produit. En bref, protéger la rémunération des agriculteurs. Le rapport estime que cet affichage pourra aussi mesurer l’impact des matières premières agricoles importées sur la rémunération des agriculteurs français.
Comme pour l’Eco-score ou le Planet-score, l’expérimentation du Rémunérascore devra conduire à harmoniser des indicateurs complexes en un calcul simple. Elle devra aussi aboutir à un affichage le plus à même de renseigner les consommateurs. Sans compter qu’il devra être lisible parmi toutes les informations déjà présentes sur les emballages.
Le CGAAER a relevé les attentes des institutions et des professionnels. Après cette étude de marché, il met en avant plusieurs indicateurs pertinents, mais sans avancer de méthode unique. Le problème ? Les données proposées ne sont pas toujours lisibles par le consommateur ou n’existent pas toujours.
Des indicateurs indentifiés
Par exemple, les indicateurs interprofessionnels de coût de production (comme le Rémunérascore de Lidl), avec un score de A+ à F pour évaluer si le produit rémunère justement le producteur. Ces données liées aux coûts des cahiers des charges, sont pourtant objectives, mais elles n’existent pas toujours dans certaines filières ou pour les produits bios. Elles ne prennent pas non plus en compte les situations particulières comme la géographie ou les races animales.
Un autre indicateur est également proposé, celui du coût de production individuel. Élaboré par les collectifs d’agriculteurs, il est déjà utilisé par la Fédération nationale d’agriculture biologique (Fnab). Cette information reflète la réalité des coûts de production des producteurs concernés, mais il est difficile à vérifier. Les experts craignent que les données puissent « être construites pour obtenir un affichage favorable ».
Enfin, le CGAAER a identifié un indicateur qui reflète avec transparence la réalité des situations de productions, c’est le revenu réel des producteurs. Déjà utilisé par la marque « En direct des éleveurs », il est cependant coûteux à connaître car il demande un accès à la comptabilité de chaque exploitation. Et dans le fond, il ne distingue pas les revenus entre chaque atelier ni entre coproduits, par exemple la viande en atelier vache laitière.
Blockchain et code QR, un outil à développer
Comment résoudre une équation apparemment insoluble ? Par le numérique, estime le CGAAER. Grâce à un lien web ou un code QR accessible sur l’emballage, les consommateurs pourraient accéder à nombre d’informations sur les conditions de rémunération, avec une actualisation des données à volonté et à moindre coût. Sans compter une économie sur les modifications de packaging, un avantage de poids réduire les mises à jour des emballages.
Afin d’assurer la traçabilité des informations, l’étude propose de passer par la blockchain. Même si elle prétend que « cela vise une population avertie », la technologie est déjà utilisée sur de nombreux produits à destination du grand public : bière, charcuterie, pâtes et farines, baguettes et biscuits, lait…
Cette technologie permet de stocker de nombreuses informations qui ne peuvent figurer sur un emballage ou en rayon.
Des expériences plus ou moins réussies
Plusieurs expériences ont vu le jour, avec plus ou moins de réussite. À l’été 1999, les points de vente ont affiché les prix d’achat au producteur sur les fruits et légumes, avant de vite abandonner. Le problème ? Les distributeurs ne suivaient pas l’évolution quasi quotidienne des prix d’achat au producteur. Sans compter que les petits commerces ne connaissaient pas toujours le prix payé au producteur.
Ailleurs, certains circuits de distribution s’y sont mis, mais de manière sporadique. En vente directe bien sûr, où le prix d’achat correspond au revenu direct du producteur. Mais aussi en circuit court (Ruche qui dit oui), en commerce équitable, ou pour quelques références de grande consommation (C’est qui le patron).
Décomposer le prix d’achat par le consommateur n’est pas suffisant, précise le rapport. Même si cette méthode, à la manière de « C’est qui le patron ? », identifie avec lisibilité ce qui revient au producteur, le CGAAER note l’absence de lien avec le coût de production.