« Exposées à une volatilité croissante du marché de l’alimentation animale mais aussi de l’énergie, les filières des viandes blanches doivent s’attacher à quantifier le "risque prix" pour mieux le gérer collectivement », soulèvent les experts de FranceAgriMer, dans un rapport publié le 30 septembre 2022.
Explosion des coûts de production
Si les perspectives de récolte mondiale en céréales et oléoprotéagineux d’ici à 2023 ont contribué à « détendre les prix des matières premières agricoles utilisées en alimentation animale au cours des derniers mois », les filières restent confrontées à des coûts de production élevés. D’autant que le prix de l’aliment paraît « voué à rester pour des mois encore à un niveau élevé », évoque FranceAgriMer.
Par ailleurs, le conflit russo-ukrainien qui se poursuit, laisse également le marché en proie à une volatilité importante. À titre d’exemple, la production française de poulet a vu croître ses coûts de production, notamment pour l’alimentation animale, de 80 % en l’espace de deux ans.

Faible rentabilité des élevages
En porc, « le prix de l’aliment a atteint des sommets, à 395 € la tonne en juillet dernier », poursuit le conseil spécialisé des viandes blanches. Malgré la hausse record des cotations françaises, la rentabilité des élevages porcins reste faible (voir l’infographie ci-contre). Alors que la production intérieure de viande de porc marque le pas depuis le début de l’année 2022, « la baisse de rentabilité des élevages risque de renforcer les arrêts d’activité, et les exploitations ne trouvant pas de repreneur », soulignent les experts.

S’agissant des aléas climatiques, les moindres disponibilités de maïs annoncées dans l’Union européenne, en lien avec la sécheresse, devraient être « compensées sans difficulté par d’autres matières premières (blé, orge, tourteaux de colza…) par le secteur de la nutrition animale, habitué à adapter ses formulations », rassure le conseil.
Inquiétudes sur le marché de l’énergie
Au-delà des préoccupations sur l’aliment, c’est la hausse des coûts de l’énergie qui pèse de façon considérable dans les comptes des entreprises des différents segments de la filière et peut compromettre leur pérennité.
« Le conflit russo-ukrainien a mis au grand jour l’ampleur de la dépendance gazière de l’Union européenne à la Russie (environ 170 milliards de m3 en 2021) », considère Yves Jégourel, professeur du Conservatoire national des arts et métiers et codirecteur de CyclOpe.
Même si Bruxelles a tenté de diversifier ses approvisionnements dès 2021 en achetant davantage de gaz naturel liquéfié aux États-Unis notamment, le surcoût est réel et le risque de moindres apports ne peut être exclu, « les terminaux de liquéfaction américains étant situés dans le golfe du Mexique, très exposés aux excès climatiques », estime l’expert.
« Faute de consensus européen sur une politique énergétique nucléaire, la compétitivité des prix des entreprises est aujourd’hui menacée », poursuit-il. Le conseil spécialisé des viandes blanches de FranceAgriMer appelle les filières alimentaires à mieux quantifier le risque prix lié à l’énergie comme celui lié à l’ensemble des matières premières. Ce risque prix doit être autant appréhendé tant à l’échelle des entreprises qu’au niveau des filières.