Après la crise du Covid-19, la France a déployé un arsenal d’aides afin de relancer son économie tout en amorçant sa transition écologique. Parmi les nombreux volets de ce plan d’investissement figurait un dispositif agricole doté de 1,2 milliard d’euros, confié notamment à FranceAgriMer. Trois guichets d’aides à l’acquisition d’agroéquipements ont ainsi vu le jour, ciblant respectivement le développement des protéines végétales, la réduction des intrants phytosanitaires et la protection contre les aléas climatiques. Près de cinq ans après leur mise en œuvre, un rapport d’évaluation publié le 29 septembre 2025 dresse un bilan mitigé de leur contribution environnementale.
Quantification environnementale
FranceAgriMer s’est en effet attaché à mesurer l’impact écologique de ces dispositifs d’aide. L’établissement a confié cette mission au bureau d’études Vertigo Lab, chargé d’élaborer des indicateurs de performance environnementale réutilisables pour d’autres programmes similaires, notamment dans le cadre de France 2030 ou de la planification écologique. La méthodologie développée repose sur treize indicateurs — trois ou quatre spécifiques à chaque dispositif, et trois transversaux — conçus en collaboration avec des panels d’experts et quantifiés à partir des données disponibles.
La méthode intègre une pondération selon la stratégie d’investissement des bénéficiaires, permettant de prendre en compte l’effet d’aubaine, c’est-à-dire les investissements qui auraient été réalisés même en l’absence de subvention. Les informations sur ces stratégies d’investissement ont été collectées via une enquête en ligne adressée aux bénéficiaires.
Les enjeux économiques priment
L’évaluation des dispositifs d’aide aux agroéquipements a permis d’identifier des difficultés qui se manifestent à deux niveaux distincts mais interdépendants. D’une part, le défi méthodologique de la mesure de l’impact environnemental. Définir des indicateurs s’est révélé particulièrement ardu en raison de la nature diffuse et multifactorielle des enjeux écologiques étudiés. Les impacts environnementaux sont souvent indirects, interconnectés et difficilement isolables, compliquant ainsi la conception d’indicateurs précis et pertinents, souligne FranceAgriMer.
D’autre part, la prise en compte de la finalité initiale des dispositifs : les auteurs rappellent que ces aides répondaient d’abord à des enjeux économiques et de relance dans un contexte de crise sanitaire où le soutien immédiat aux exploitations agricoles primait, l’amélioration environnementale n’étant pas leur seul objectif.
Résultats modestes au regard des ambitions
FranceAgriMer explique la modeste contribution de ces dispositifs aux impacts environnementaux agricoles par plusieurs facteurs structurels. D’une part, les listes de matériels éligibles, volontairement larges et variées, ont été conçues pour favoriser une mobilisation rapide et étendue des aides dans un contexte de sortie de crise sanitaire. Cette approche inclusive, si elle a permis de toucher un large public d’agriculteurs, n’a pas privilégié les équipements présentant le meilleur potentiel écologique.
D’autre part, le mode de fonctionnement en guichet « premier arrivé, premier servi », sans mécanisme de classement des dossiers selon leur impact environnemental, a mécaniquement limité la priorisation des investissements les plus vertueux. Ce choix administratif, dicté par l’urgence économique, met en exergue la tension entre rapidité de déploiement et efficacité ciblée dans la conduite des politiques publiques.
Enfin, l’absence d’objectifs écologiques chiffrés définis en amont a rendu l’évaluation plus difficile. La collecte de données fiables, spécifiques et suffisamment détaillées a constitué un défi majeur, révélant les lacunes des systèmes d’information actuels et le caractère partiel des données disponibles.
Vers des dispositifs mieux calibrés
Les enseignements de cette évaluation sont destinés à nourrir la réflexion sur les futurs dispositifs d’aide à l’investissement, notamment ceux déployés dans le cadre de la planification écologique. Le rapport devrait servir à la construction d’une culture de l’évaluation environnementale au sein des politiques agricoles françaises. Si les résultats apparaissent en deçà des espérances, ils offrent un diagnostic permettant de lancer des pistes d’amélioration pour les programmes à venir. Ils soulignent aussi le fait que la transition écologique de l’agriculture nécessite non seulement des moyens financiers, mais aussi des mécanismes de pilotage plus affinés.