L’histoire

Nicolas habitait un mas entouré d’un jardin, planté en oliviers. Le jardin jouxtait une parcelle qui servait d’emplacement pour stationner les véhicules. À la suite d’un différend sur les limites de cette parcelle, Lucie, propriétaire de la maison voisine, avait fait établir, le 19 mars 1991, par un géomètre-expert un procès-verbal de bornage. Au vu des limites de la parcelle fixées par ce document, Lucie avait estimé qu’une partie de celle-ci était comprise dans le périmètre de sa propriété. Le stationnement du véhicule de Nicolas constituait un empiétement irrégulier.

Le contentieux

Aussi, Lucie avait-elle assigné son voisin devant le tribunal judiciaire en suppression de l’empiètement et en dommages-intérêts. Nicolas avait reconventionnellement revendiqué la propriété de la partie de la parcelle en litige par l’effet de la prescription trentenaire.

Selon l’article 2258 du code civil, « la prescription acquisitive est un moyen d’acquérir un bien ou un droit par l’effet de la possession sans que celui qui l’allègue soit obligé d’en rapporter un titre ou qu’on puisse lui opposer l’exception déduite de la mauvaise foi ». Et l’article 2261 de ce code de préciser : « Pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire. » Quant au délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière, il est de trente ans. Nicolas faisait valoir qu’il remplissait toutes ces conditions.

Toutefois, Lucie avait invoqué que le bornage amiable rendait la possession équivoque, puisqu’à compter de cette date, Nicolas ne pouvait ignorer que le stationnement de son véhicule se faisait sur la partie de parcelle que le géomètre-expert lui avait attribuée.

Les juges avaient donné raison à Lucie. D’une part, le procès-verbal de bornage déterminant les limites de la parcelle en litige avait été ratifié sans réserve par les parties. D’autre part, à compter du 19 mars 1991, la possession invoquée par Nicolas était équivoque dans la mesure où il ne pouvait ignorer que le stationnement de son véhicule se faisait en partie sur la portion de terrain identifiée par le géomètre comme ne lui appartenant pas. La demande reconventionnelle de Nicolas devait être écartée.

Mais cette solution a été censurée par la haute juridiction saisie par Nicolas. Elle a jugé que l’accord des parties sur la délimitation du fonds, qui n’implique pas à lui seul leur accord sur la propriété de la parcelle litigieuse, ne suffisait pas à entacher la possession invoquée d’un vice d’équivoque.

L’épilogue

Devant la juridiction de renvoi, Nicolas pourra à nouveau faire valoir qu’il est en mesure d’invoquer une possession exempte de vices et un droit de propriété sur la partie de parcelle en litige. L’emplacement de stationnement pourra être conservé.