La rareté des broutards français sur le marché tire les cours à la hausse, et rebat les cartes de la filière. Faut-il continuer à exporter ces animaux ou les conserver pour un engraissement national ? La question s’est posé lors des débats en ce premier jour de congrès de la Fédération nationale bovine (FNB) à La Rochelle, le mercredi 12 février 2025.

Une question de rémunération

Pour le président de la section bovine de l’Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev) et membre de la FNB, Emmanuel Bernard, la réponse est claire : « Développons l’engraissement en France, mais à une seule condition : que cette activité rémunère mieux un éleveur qui vend actuellement des broutards à l’export. »

Dans l’assemblée, certains pointent la part de responsabilité des abatteurs sur la décapitalisation des cheptels bovins français — en cours depuis 2016 -, estimant que leurs achats n’ont pas suffi à couvrir les coûts de production des éleveurs. « Je sais que nous devons maintenir une production pour faire marcher les outils [d’abattage, N.D.L.R.], poursuit Emmanuel Bernard. Mais ce n’est pas à nous de faire vivre l’économie, si nous, on n’en vit pas. »

« La filière va décliner »

Le représentant des éleveurs allaitants à l’interprofession appelle chaque maillon de la filière à prendre ses responsabilités, notamment la grande distribution. Selon lui, les grandes enseignes devront réagir d’ici la fin de l’année, faute de quoi elles feront face à une offre insuffisante.

« Nous ne pourrons pas fournir tout le monde, prévient Emmanuel Bernard. Si ces structures ne déclenchent pas une nouvelle dynamique avec les pouvoirs publics, la filière va décliner. Ce sera leur tour, car nous les éleveurs, nous avons déjà décliné. »

Dans l’attente d’un signal pour recapitaliser

Le rôle des éleveurs, c’est seulement de « faire naître des veaux », insiste Emmanuel Bernard à plusieurs reprises. « C’est ça notre job, martèle-t-il. Nous sommes à la croisée des chemins, et les éleveurs attendent des signaux de l’État vers une recapitalisation. »

La flambée actuelle des prix des broutards, notamment des femelles, complique toute stratégie de recapitalisation. Le secrétaire général de la FNB, Cédric Mandin, illustre ce dilemme qui rôde dans les campagnes : « Dois-je garder mes animaux pour assurer le renouvellement ou profiter de la hausse des cours ? » Dans la salle, des éleveurs plaident pour un accompagnement politique adapté, tandis que les négociants insistent sur leurs besoins en animaux.

Aujourd’hui, 90 % des broutards engraissés en Italie sont d’origine française. Lors d’un déplacement en décembre 2024, la FNB a constaté un changement de ton de l’autre côté des Alpes. « Depuis 20 ans, les Italiens nous disaient que nos broutards étaient trop chers. Cette année, il n’était même pas question de prix. Leur demande était claire : continuez à faire naître des veaux. »