« La filière des bovins allaitants ne s’en sort pas. Nous sommes face à une catastrophe économique. C’est un constat sévère mais indispensable. » Voilà comment Thomas Uthayakumar, directeur du plaidoyer de la Fondation de la nature et de l’homme (FNH), a posé le décor lors de la présentation du rapport intitulé « Élevage allaitant : changer de logique pour sortir de l’impasse », le 24 septembre 2024 à Paris.
Ce dossier succède à l’étude conduite par la fondation sur la filière laitière. « Il y a des similitudes entre les deux types d’élevage. Elles sont perfusées aux aides publiques, et subissent une décapitalisation et une réduction du nombre d’éleveurs. »
Thomas Uthayakumar souligne une difficulté plus importante pour la filière allaitante. « En laitier, il y a une création de valeur, mais mal répartie. Pour la viande, il y a une destruction de la valeur, au niveau de tous les maillons de la chaîne », tranche-t-il.
En concurrence avec la filière laitière
Dans son étude, la fondation découvre que les filières bovines sont concurrentes. « Les troupeaux laitiers et allaitants ne sont plus du tout complémentaires. Il y a un écart de prix de 30 % de la viande qui les met en concurrence directe. »
Thomas Uthayakumar poursuit en estimant que les coûts de production de la filière allaitante dépassent de 99 centimes en moyenne les prix de vente à la production. « Et cela malgré la loi Egalim. La situation reflète une asymétrie des pouvoirs avec l’aval, qui est très défavorable aux éleveurs puisqu’ils sont dans l’incapacité de négocier. »
À tout cela s’ajoutent les « évolutions inévitables » de la consommation. L’attrait pour le steak haché, l’augmentation de la consommation de volaille, et l’augmentation de la part des viandes importées dans la restauration hors domicile, alimentent ce « cercle vicieux ».
Pour la FNH, la filière des bovins à viande a le choix entre deux trajectoires :
- Continuer sur le chemin actuel dans lequel le nombre d’abattoirs baisserait d’un quart, avec une concentration dans l’ouest de la France. La baisse de la production serait subie, et la valorisation sous forme de produits transformés domineraient ;
- Une voie plus durable, nécessitant des changements dans la structuration de la filière. La fondation mise alors sur une diminution de la consommation de viande, mais de meilleure qualité, une relocalisation de l’engraissement en France, une valorisation économique sous labels, un investissement dans les abattoirs et notamment publics, et enfin, un développement des races mixtes et légères.
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« Il faut renforcer les sanctions concernant Egalim »
L’ex-Fondation Nicolas Hulot propose en priorité d’instaurer un prix plancher et d’imposer une transparence sur les bénéfices de tous les acteurs. « C’est la seule production qui vend à perte malgré les lois Egalim. Il est important d’appliquer des sanctions, de les renforcer, et de forcer la contractualisation », affirme Elyne Étienne, responsable de l'élevage durable à la FNH.
Quant à la production, la relocalisation de l’engraissement — à l’herbe — en France est recommandé. « Des races légères croisées répondraient aux enjeux », appuie Thomas Uthayakumar. Une « concentration entre les deux interprofessions Interbev et Cniel permettrait d’étudier cette mise en œuvre », suggère le directeur du plaidoyer.
La suite : sécuriser les déboucher et investir dans le développement de filières locales labellisées. « Il faut estimer dans quelle mesure nous pouvons imposer un pourcentage minimum de viande labellisée dans les GMS et en restauration hors domicile », insiste la fondation. Enfin, les contrats tripartites lui semblent indispensables.
« La situation des abattoirs est dramatique »
Pour le maillon de l’abattage, Elyne Étienne se veut « lucide ». « La situation des abattoirs est dramatique. Il faut des financements pour réduire les capacités de production tout en gardant un bon maillage territorial. Pour cela, il faut un vrai diagnostic afin de flécher les aides. »