Les fabricants de viande artificielle affirment qu’ils ne se servent plus de milieu de culture à base de sérum de veau fœtal. Est-ce qu’on a pu le vérifier ?
En laboratoire, on utilise du sérum de veau fœtal pour les milieux de culture des cellules. Tous les fabricants refusent cette solution pour des raisons éthiques ou pour s’éviter un coût de production assez élevé. Le processus qui avait été autorisé en décembre 2020 à Singapour mentionnait bien le sérum de veau fœtal. Désormais, l’entreprise affirme qu’elle ne l’utilise plus. Dont acte.
Des publications scientifiques montrent qu’il est possible de ne pas utiliser ce sérum de veau fœtal, au moins au stade du laboratoire. Mais, dans ce cas, on note que ce n’est plus le même processus que celui qui avait été autorisé à Singapour. Et surtout, on ne peut pas vérifier cette affirmation parce que les données ne sont pas accessibles.
En quoi ça pose un problème ?
Toute innovation doit pouvoir être expertisée. En l’occurrence, la viande artificielle doit l’être d’autant plus qu’elle nous questionne sur plusieurs points : l’alimentation, les risques sanitaires, le rapport à la mort, l’économie, etc.
Les entreprises argumentent qu’elles fournissent des dossiers à l’Efsa, l’agence sanitaire des aliments. Fort bien, mais la pratique habituelle de la science, c’est l’expertise collective.
Le secteur de la viande artificielle se donne le droit de ne pas être expertisé collectivement parce qu’il y a beaucoup d’enjeux économiques et financiers. Le secret qui y règne est trop grand.
Le voile sur les processus s’étend-il au-delà du laboratoire ?
Les visites d’usines ne sont toujours pas autorisées, par exemple. C’est dommage parce que, dans le même temps, les entreprises obtentrices font régulièrement des annonces sur leurs investissements. Or, ce point est important à vérifier parce que le passage au stade industriel pose de nouvelles questions, en particulier sur la composition du milieu de culture, qui reste le coût le plus important.
Même le nom du produit fait l’objet de débat. On oscille entre viande artificielle ou viande de culture. Même le mot viande peut être contesté parce qu’on obtient, en réalité, du muscle. Ce qui n’est pas encore de la viande parce que, pour devenir de la viande, le muscle a besoin d’une phase de maturation qui voit le glycogène se transformer en acide lactique. Les scientifiques anglo-saxons proposent cell-based food, c’est-à-dire « aliment à base de cellules ».
Verra-t-on la viande artificielle en Europe cette année ?
Cette autorisation pour l’alimentation humaine ne viendra que de la Commission européenne, si elle est saisie pour cela. Ce n’est pas encore le cas. En proposant, au contraire, d’interdire la viande artificielle, les Italiens veulent faire bouger les lignes. Un député français a aussi déposé une proposition de loi en ce sens.
Mais on sent que les fabricants toquent à la porte. Encore faut-il que les consommateurs soient prêts à en manger. Ce qui n’est pas certain. Un ensemble d’études a été mené dans plusieurs pays. Il en ressort que les consommateurs sont prêts à goûter la viande artificielle par curiosité, mais beaucoup plus réticents à en acheter au quotidien.