« Notre savoir-faire en viande bovine est incroyable, a estimé Philippe Goetzmann, consultant expert en grande consommation et agroalimentaire. Mais cette force est peut-être aussi notre handicap. » Ces propos, Philippe Goetzmann les a tenus lors du congrès annuel de Culture Viande à Paris ce mardi 5 septembre 2023. Des propos fondés sur un obstacle redoutable auquel la filière de la viande fait face : la baisse du pouvoir d’achat des foyers, qui débouche sur un changement des modes de consommation. « Le coût de l’alimentation en France est 15 % supérieur à celui de nos voisins européens — hors Suisse et Luxembourg. Ce que l’on produit, il faut que le consommateur ait la capacité de le payer », poursuit-il.

Redéfinir les prix

Selon Philippe Goetzmann, la méthode actuelle de définition des prix met les ventes en péril. « Aucun prix ne se définit de l’amont jusqu’à l’aval, affirme-t-il. Au final, nous avons ouvert en grand les vannes de l’importation. » Une redéfinition des bases lui semble nécessaire : estimer les besoins des consommateurs, au prix accessible, et s’entraider pour trouver des solutions face aux freins et contraintes de la production. « Nous sommes tellement fiers de nos bons produits français que l’on a oublié que l’objectif était de nourrir des clients. »

Jean-Paul Bigard, président du groupe Bigard, affirme sa position contre les propos précédents. « La seule méthode pour former un prix est par l’offre et la demande, explique-t-il. Le seuil de saturation pose ensuite problème, lorsque le client ne veut plus du produit ou que le distributeur le retire de ses rayons. » Selon lui, les prix actuels de la viande rendent la situation « formidable », en voyant les producteurs de porcs et de viande bovine passer des années « économiquement intéressantes » dernièrement. Une des solutions pour favoriser la consommation de la viande française : soutenir le métier de boucher qui « est indispensable pour vendre la viande », constate-t-il.

Adapter la demande des abattoirs

La Fédération nationale bovine a pu réagir le soir même, lors de sa conférence de presse de rentrée. « Nous avons de très bonnes races à viande, et nous nous sommes battus pour les garder sur nos territoires, soutient Cédric Mandin, secrétaire général du syndicat. Nous devons continuer. » Pour autant, les modes de production peuvent changer en fonction de la demande des abattoirs, selon lui. « S’ils veulent des animaux plus adaptés aux steaks hachés, ils peuvent nous le demander par des contrats. Si la rémunération est présente, les éleveurs travailleront la génétique de leurs animaux pour s’adapter, comme toujours. »