« On ne peut pas attendre 2027, c’est demain qu’il faut que ça change ! » : des milliers de manifestants, et plus d’un millier de tracteurs, ont envahi les rues de Bruxelles ce jeudi 1er février 2024 aux abords d’un sommet des dirigeants des Vingt-Sept, sur fond de colère du monde agricole.
La Confédération paysanne en demande davantage
Devant les bâtiments bruxellois du Parlement européen sur la place du Luxembourg, dont l’accès est bloqué par des centaines de tracteurs, une foule dense de manifestants s’est rassemblée. Des feux de palettes sur la chaussée dégageant une âcre fumée noire, du lisier sur le pavé, des traces de jets d’œuf sur les façades et un tas de pneus brûlés plus tôt durant la nuit : un important dispositif policier a été déployé, mais sans incidents majeurs. Et si une petite statue a été dégradée place du Luxembourg, la police parle d’une situation globalement « calme », relate l’AFP.
« Tous les abords de Parlement européens sont bloqués, c’est inimaginable ce qu’il se passe ici ! », témoigne Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne contactée par La France Agricole. La voix étouffée par le son des pétards et des klaxons environnants, la syndicaliste est venue manifester aux côtés de la fédération paysanne européenne European Coordination Via Campesina (ECVC) et de la Fédération unie de groupements d’éleveurs et d’agriculteurs (FUGEA).
« Nous sommes tous différents mais nous sommes là avec un dénominateur commun, poursuit-elle : une colère très profonde pour demander à vivre de notre travail ». Alors que le gouvernement français a énuméré une batterie de mesures ce jeudi en début d’après-midi, Laurence Marandola assure que « ce n’est pas suffisant, notamment sur la question du Mercosur, des prix et du revenu ». Dès demain, la Confédération paysanne décidera des suites à donner à leur mobilisation, la porte-parole annonçant que « les centrales resteront bloquées ».
« Ensemble on est plus fort »
« C’est un symbole important : pour faire changer les choses il faut venir ici », explique à l’AFP Pierre Sansdrap, éleveur laitier dans le Brabant Wallon, membre de la fédération des Jeunes agriculteurs (Wallonie), près d’une longue file de véhicules agricoles à l’arrêt. « La dérogation jachères, c’est une miette, ça ne règle pas le fond : on veut un revenu. Les primes, on s’en fout ! On veut vivre de notre travail ! », ajoute-t-il, évoquant la proposition de la Commission européenne d’accorder une dérogation « partielle » aux obligations de jachères imposées par la Politique agricole commune (Pac).
« Ce n’est pas l’Europe que nous voulons », « Stop UE-Mercosur. Sortons l’alimentation du libre-échange », « moins de normes » : accrochées à l’avant des tracteurs ou brandies par les manifestants, les banderoles résument le message du jour. L’accord commercial en discussion entre Bruxelles et les pays sud-américains du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) fait figure d’épouvantail pour les organisations agricoles.
« L’objectif c’est de faire entendre à la Commission, au Conseil européen, aux eurodéputés, les colères qui montent partout en Europe », résume, dans un entretien à l’AFP, Marianne Streel, présidente de la puissante Fédération wallonne de l’agriculture (FWA). « Nous sommes venus avec de nombreuses délégations : des Italiens, des Portugais, des Espagnols, et aussi des Allemands et des Français, énumère-t-elle. C’est important, car ensemble on est plus fort, pour montrer qu’on est tous contre l’incohérence des politiques européennes et parler de la même voix […] Le ras-le-bol et les colères sont forts et vous l’entendez », ajoute-t-elle, réclamant une Europe « plus réaliste » sur les mesures écologiques.
Matteo Salvini « du côté des agriculteurs »
La principale confédération syndicale agricole italienne, Coldiretti, est également venue en force : des dizaines de manifestants reconnaissables à leurs gilets jaunes sont présents sur le devant de la place devant un étendard fustigeant « la folie de l’Europe », et beaucoup d’autres occupent les rues adjacentes.
« Du Piémont, de Sardaigne, d’un peu partout dans le pays… Nous sommes au moins 500, venus d’Italie en avion, ça s’est décidé avant-hier très rapidement. Nous sommes opposés à la politique totalement folle de l’Union européenne », explique à l’AFP Gianluca Ragni, un membre de l’organisation. Surfant sur la colère agricole, le vice-Premier ministre italien Matteo Salvini a posté sur le réseau social X des images des manifestations assurant être « du côté des agriculteurs » pour demander la fin des décisions « idéologiques et déconnectées de la réalité ».
Parlamento europeo, Bruxelles.
— Matteo Salvini (@matteosalvinimi) February 1, 2024
Dalla parte di agricoltori e produttori che si fanno sentire per chiedere lo STOP a decisioni ideologiche e lontane dalla realtà che mettono in pericolo un intero settore, danneggiando lavoro e salute.
Ascoltarli è doveroso. pic.twitter.com/vCPS58aoDM
Le Premier ministre hongrois Viktor Orban, qui a levé ce jeudi son veto à une aide pour l’Ukraine, a justifié son revirement par le fait d’avoir reçu des « garanties » pour les milliards d’euros attribués à Budapest et suspendus par Bruxelles. « Nous avions peur que les fonds dus aux Hongrois et actuellement gelés par la Commission européenne finissent en Ukraine », a-t-il déclaré dans une vidéo diffusée sur son compte Facebook. Or « nous avons reçu la garantie » que ce ne serait pas le cas, a-t-il ajouté sans plus de détails, saluant aussi la mise en place d’un « mécanisme de contrôle » sur l’utilisation de l’argent par Kiev.