Alors que de prochaines négociations sur l’accord de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et le Mercosur se dérouleront entre les ministres européens, les sénateurs ont appelé le gouvernement, le mardi 16 janvier 2024, à « tenir avec fermeté » les conditions françaises de la signature de l’accord.
La résolution adoptée à l’unanimité par les sénateurs et portée par le groupe Les Républicains rappelle les trois conditions : « ne pas augmenter la déforestation importée dans l’Union européenne, mettre l’accord en conformité avec l’accord de Paris et instaurer des mesures miroirs en matière sanitaire et environnementale. »
Tous les groupes politiques confondus ont voté cet avis non contraignant du Sénat en rappelant les enjeux de l’accord, dont les premières négociations ont commencé dès l’année 2000.
Cet accord « dinosaure », dont le projet a été signé en 2019 après vingt ans de négociations, peut se résumer grossièrement en « viande contre voiture » comme l’explique Yannick Jadot, sénateur du groupe Écologiste Solidarité et Territoires. Des voitures européennes sont exportées dans les pays du Mercosur (l’Argentine, le Brésil, l’Uruguay et le Paraguay) contre de la viande bovine, porcine et de volailles importée dans l’Union européenne.
Clauses miroirs
L’arrivée des produits alimentaires de l’Amérique du Sud inquiète le secteur agricole français, d’autant plus que la production sud américaine « ne respecte pas les normes que nous imposons [aux agriculteurs français] », déclare Jean-François Rapin, auteur de la proposition de résolution. Cette dernière rappelle donc la nécessité pour le gouvernement français « d’obtenir l’adoption et l’application systématiques de mesures miroirs dans nos relations commerciales avec les États tiers et à renforcer la qualité et la quantité des contrôles aux frontières ».
Sur les questions de bien-être animal, sociales et environnementales (notamment sur les phytosanitaires), les réglementations sud-américaines sont différentes et risquent de faire concurrence déloyale, s’inquiètent les sénateurs.
La Fédération nationale bovine a salué le vote du Sénat. « Désormais, c’est le Parlement français tout entier qui s’oppose, fermement, à la validation de cet accord », s’est réjoui le président de la FNB, Patrick Benezit.
Ratification nationale
En plus de s’inquiéter du contenu de l’accord, les sénateurs appellent à être vigilants sur la forme. Si un accord de libre-échange avec l’Union européenne est généralement censé être ratifié par les États membres, ce n’est pas toujours le cas en pratique.
Pour l’accord avec le Mercosur, les membres du Sénat relèvent la scission de l’accord conclu en deux parties. Le volet commercial (compétence propre de l’UE), où sont concentrés les points relatifs au secteur agricole, serait soumis à un vote à la majorité qualifié au Conseil et au Parlement européens, évitant ainsi toute ratification des parlements nationaux.
Oppositions marquées
Plusieurs États membres, notamment la France, l’Allemagne et l’Irlande ont signalé leur opposition retardant l’adoption de l’accord depuis la fin des négociations en 2019. En juin 2023, l’Assemblée nationale avait déjà fait part de son mécontentement vis-à-vis de la forme actuelle de l’accord dans une résolution votée en grande majorité (281 pour 58 contre).
L’accord avec le Mercosur devra encore attendre (4/12/2023)
De l’autre côté de l’Atlantique, la présidence argentine a rebattu les cartes sur table en décembre dernier. Javier Milei, nouveau président de l’Argentine, estime que les conditions pour valider l’accord ne sont pas satisfaites. Les débats sont donc loin d’être terminés.
S’il est validé, l’accord entre l’Union européenne et le Mercosur pourrait être le plus important jamais signé par l’organisation supranationale. Il concerne près de 780 millions de personnes et couvre entre 40 et 45 milliards d’euros d’importations et d’exportations.