Une politique d’affichage nutritionnelle telle que le Nutri-score a un effet sur la qualité nutritionnelle de ce que le consommateur met dans son panier alimentaire. Menée séparément, une politique de prix incite également les consommateurs à des achats plus sains, bien que l’effet soit moindre. Mais l’effet des deux politiques ne s’additionne pas, selon une étude expérimentale menée par des chercheurs de l’Inrae.

Information et prix, deux outils incitatifs

« Pour inciter les consommateurs à acheter des produits plus favorables à leur santé, les pouvoirs publics utilisent notamment deux types d’outils incitatifs : l’information (l’affichage nutritionnel) et les prix (taxes et subventions), souligne un communiqué de l’Inrae publiée le 19 décembre 2024. De nombreuses études ont mesuré l’efficacité de variantes de chacune de ces politiques prises séparément. Peu ont été menées sur l’efficacité de leur combinaison. »

Les chercheurs de l’Inrae, spécialisés en économie appliquée, ont testé la complémentarité de ces deux outils incitatifs sur 386 grenoblois, représentatifs de la diversité de la population française. « En naviguant dans une épicerie virtuelle, ces derniers devaient remplir deux fois leur panier alimentaire, en choisissant parmi 290 produits du commerce ». Une première fois le consommateur naviguait dans l’épicerie sans politique, constituant ainsi un panier alimentaire de référence. La seconde fois était mise en place une des politiques testées ou les deux combinées, ce qui permettait aux chercheurs de mesurer le changement induit par rapport au premier panier.

Les deux politiques ont été comparées séparément : d’une part, la politique d’affichage Nutri-score seule et d’autre part, la politique de prix seule. Dans ce dernier cas, les chercheurs appliquent une taxe de 10 % sur les produits notés D au Nutri-score, une taxe de 20 % sur les produits E, alors qu’une subvention de 10 % est accordée sur les produits B et une subvention de 20 % sur les produits notés A. Cette politique de prix est explicitement présentée au consommateur, puisque le prix après politique est affiché à côté de l’ancien prix, qui est barré. Après avoir étudié les deux politiques séparément, les chercheurs ont étudié les deux types de politiques combinés.

Le score a plus d’effet que l’incitation monétaire

Les résultats de l’étude ont été publiés le 19 décembre dans Journal of Economic Behaviour and Organization, une revue de recherche internationale. La qualité nutritionnelle du panier est évaluée grâce à un score élaboré au Royaume-Uni, le FSA pour Food Standards Agency. Le score FSA est compris entre -15 et + 35, sachant que plus le chiffre est bas, meilleure est la qualité nutritionnelle.

Dans l’expérience menée avec les consommateurs grenoblois, le panier moyen sans politique obtient un score FSA de 3,1. L’affichage du Nutri-score permet d’améliorer significativement la qualité nutritionnelle du panier en faisant diminuer le score de 2,67 points entre les deux paniers. En comparaison, une politique de prix explicite ne fait descendre que de 1,86 point le score du panier. Avec la meilleure combinaison des deux politiques, la différence de score est en moyenne de 3,23 points.

« En combinant le Nutri-Score à cette politique de prix, la qualité nutritionnelle des achats n’est pas significativement améliorée par rapport au Nutri-Score seul […]. Les effets de ces deux politiques ne sont donc pas additifs. Les consommateurs réagissent ici davantage à des messages normatifs qu’aux incitations monétaires. »

Aucun coût fiscal pour le Nutri-score

Les chercheurs relèvent par ailleurs dans cette étude que « sur le plan économique, ces différentes politiques alimentaires impactent peu le budget alimentaire des ménages ». Ils mesurent cependant que la politique incitative du Nutri-score augmente légèrement le prix par calorie du panier moyen, de 0,22 € pour 2 000 kcal achetées.

Quant au coût pour l’État de ces politiques, les chercheurs l’ont estimé en extrapolant les données de leur étude à une consommation des ménages sur un an (dépenses publiques annuelles totales en subventions – gains fiscaux annuels totaux provenant des impôts). Le coût du Nutri-score pour l’État est nul. En revanche, « le coût fiscal s’élève à 233 € par foyer et par an avec une politique à forte modification de prix ».