Les agriculteurs en sont-ils réduits à subir sans se défendre les attaques des associations environnementalistes ?

« Non, ils sont des usagers de l’eau et ont leurs droits à faire valoir, explique Carole Hernandez-Zakine, docteure en droit de l’environnement appliqué à l’agriculture. Mais il faut savoir que cette défense passe par du droit détaillé, précis, local et qui commence très en amont des procédures judiciaires. »

C’est-à-dire ?

« Le terreau de ces conflits, ce sont les documents réglementaires de planification, des textes très techniques fondés sur des états initiaux, qui interrogent sur leurs méthodes d’élaboration et ne tiennent pas compte de la dimension économique de l’eau. Ces textes décident du contenu des autorisations administratives (autorisation de prélèvement, par exemple) et des arrêtés en lien avec l’eau (arrêté sécheresse…) mais vont guider le reste des procédures administratives. Car les documents de gestion de l’eau, Sdage et Sage, sont créateurs de droit. »

N’est-ce pas plutôt la loi qui guide habituellement le contenu des documents administratifs ?

« Dans le domaine de l’eau, on rencontre cette inversion de la hiérarchie du droit. Par exemple, les projets de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) : ils n’ont pas de portée juridique mais ils vont conditionner l’octroi d’argent public. On ne peut pas dire qu’ils n’ont pas d’effet sur l’économie. En outre, l’autorité administrative les prend en compte dans ses décisions et leurs effets juridiques sont certains. Idem pour des études scientifiques de données et de connaissance. »

Mais les agriculteurs ne sont-ils pas déjà présents dans les comités de bassin qui élaborent les Sdage ?

« Dans la réalité, l’écriture des Sdage est dans les mains de l’administration de l’eau. Ce sont de gros documents très techniques. Les comités de bassin regroupant les acteurs usagers ne peuvent techniquement tout suivre. Et tout va très vite entre le début de l’application d’un Sdage et, peu de mois après, les premières réunions des commissions pour élaborer le prochain. »

Quelles pistes faut-il explorer ?

« Il faut que les agriculteurs mènent un travail de fond pour travailler les documents de planification et s’organiser pour une écriture très précise. C’est fastidieux, très consommateur de temps et d’énergie mais c’est dans les détails de l’écriture que se cachent les problèmes à venir. Enfin, il faut obtenir la possibilité d’ajouter des études d’impact économique et social au même niveau que les études de milieu. »