Une accélération du changement climatique se démarque depuis les années 2000 à 2010, augmentant la fréquence des épisodes hydriques remarquables en France. « Ces dernières années, des épisodes de pluie, soit par leur intensité ou leur étalement, ont perturbé les chantiers d’implantation des céréales à paille. 2023-2024 étant sans doute le scénario le plus extrême en termes de quantité d’eau et d’étendue géographique », souligne Jean-Charles Deswarte, écophysiologiste chez Arvalis.
Des mois de septembre et octobre pluvieux
En ce début de campagne 2024-2025, après un été pas vraiment sec, des mois de septembre et octobre pluvieux, les parcelles ont été fortement chargées en eau. Les trois semaines sans pluie à partir de la fin octobre ont néanmoins rendu les semis possibles. Une situation à l’opposé de 2023-2024, où les semis s’étaient bien déroulés jusqu’au 20 octobre, avant l’arrivée de la pluie.
Historiquement, les semis tardifs avaient lieu après un précédent qui tardait à libérer le sol (maïs, tournesol…). Avec le changement climatique, les récoltes tardives sont de moins en moins fréquentes, ce qui a été le cas ces dernières campagnes. Cette année toutefois, les semis du tournesol comme du maïs ont été retardés par des pluies importantes au printemps. L’été n’a pas été aussi chaud que d’ordinaire et leurs récoltes ont également été tardives. « C’est un scénario qu’on a perdu l’habitude de voir, constate Jean-Charles Deswarte. Il y a trente ans, semer du blé fin novembre après un maïs récolté dans la boue à la Toussaint était habituel. »
Les excès d’eau plus pénalisants que les stress hydriques
À l’échelle nationale, le manque d’eau reste moins pénalisant que les situations d’excès pour les cultures. « Les pires années, 2016 ou 2024, ont été très humides, commente l’ingénieur. Les années sèches, comme 2020 ou 2022, sont en retrait mais pas catastrophiques. Elles exacerbent les différences entre milieux favorables et secteurs séchants. »
Le printemps 2016, où les cumuls de pluie ont largement dépassé les références, notamment dans le Bassin parisien, a marqué les esprits. « Les cultures d’hiver sont très sensibles à l’excès d’eau autour de mai et début juin », commente Jean-Charles Deswarte.
Les excès d’eau printaniers sont d’autant plus dommageables pour les céréales à paille que les parcelles sont peu drainantes, car ils peuvent entraîner de l’hypoxie au niveau des racines, augmenter la pression des maladies ou encore affecter l’absorption de l’azote.
Par ailleurs, un déficit hydrique qui se développe en avril et se maintient pendant tout le cycle de la plante n’aura pas le même effet que s’il est suivi d’orages en mai ou juin, ou s’il intervient de façon brutale en fin de cycle. « Il n’y a pas un scénario typique d’excès d’eau ou de sécheresse, mais une multitude. Selon leur synchronicité ou décalage par rapport à des interventions ou à des stades culturaux, l’intensité des impacts est très variable », soutient le spécialiste.
Pour les fourrages, et notamment les prairies, « les précipitations abondantes impacteront plutôt l’organisation du travail et les chantiers de récolte, alors que la sécheresse impactera directement le système fourrager et l’équilibre de celui-ci. Dans le premier cas, il semble plus facile de s’adapter que dans le second », explique Carole Gigot, ingénieure régionale fourrages chez Arvalis.