Avec le changement climatique, comment va évoluer le régime hydrique en France ? Pour répondre à cette question, le projet Explore 2, qui se projette dans une France en 2100, a livré ses conclusions en juin dernier. Sont notamment anticipés : une hausse des précipitations en hiver et une baisse en été. Serge Zaka, docteur en agroclimatologie et président d’Agroclimat 2050, nous apporte une vision complémentaire.

En quoi les prévisions de long terme concernent déjà les agriculteurs ?

« Les prévisions d’Explore 2 confirment et accentuent ce que l’on observe déjà, à savoir une évolution du régime hydrique avec des disparités interannuelles et interrégionales. Il suffit de regarder 2022, deuxième année la plus sèche, et 2024, une des plus humides. Dans le nord de la France, on observe déjà davantage de pluie. Il reste une incertitude sur la ligne qui démarque le nord, où le cumul augmente, et le sud, où il diminue. Aujourd’hui elle va de Bordeaux à Lyon. On ne sait pas jusqu’à quel point elle va remonter, peut-être jusqu’au nord de Paris. »

« On dit que le mauvais temps en agriculture, c’est celui qui dure, rappelle Serge Zaka. Pour l’eau, on va à la fois vers des périodes de sécheresse plus longues, et des périodes de pluies plus longues : c’est du mauvais temps dans les deux cas. Pour un agriculteur c’est compliqué de s’y retrouver : les solutions valables pour une année A ne seront peut-être pas valables pour une année B… »

Comment joue la hausse de la température sur le régime hydrique ?

La température augmentant, l’évapotranspiration augmente. On parle d’une hausse de 5 à 10 % dans le Nord à horizon 2100, et de 30 % dans le Sud. L’évapotranspiration va débuter plus rapidement au printemps, et les prélèvements des plantes vont s’arrêter plus tard en automne. Et en été, on aura un gros déficit, ce qui va impacter plus nettement les cultures d’été. On s’attend à un dessèchement plus rapide du couvert végétal, les prairies par exemple. Si cela va jusqu’à sa mort, cela va impacter la qualité des sols qui ne seront plus protégés. Au contraire, les cultures d’hiver pourraient connaître des hausses de rendement.

2024 a été l'une des années les plus humides enregistrées. (© Hélène Parisot / GFA)

Comment vont évoluer les paysages agricoles ?

« La réponse au changement climatique va être complètement différente selon les régions. Dans le Sud, on va faire des efforts sur le déficit hydrique avec l’agriculture de conservation des sols, des retenues collinaires, l’irrigation au goutte-à-goutte, la modification des variétés et des espèces pour qu’elles consomment moins d’eau… L’assolement sera complètement revu. Cela implique la mise en place de nouvelles filières qu’il faut construire dès maintenant. »

« Dans le Nord, on va faire des efforts sur les excès et le déficit en même temps, décrit Serge Zaka. La seule réponse est l’agriculture de conservation des sols, pour que ces derniers absorbent et retiennent mieux l’eau. On peut aussi parler des arbres et des haies, qui maîtrisent le microclimat. Il y aura moins d’évolutions sur les espèces implantées. Les solutions sont très dépendantes du territoire, mais aussi du type de sol. »