« Il n’y aura pas de souveraineté alimentaire qui ne soit pas durable et résiliente », a assuré la récente ministre déléguée à l’Agriculture, Agnès Pannier-Runacher, au Sénat. C’est sur cette question que les sénateurs se sont le plus disputés lors du débat sur l’avenir de l’agriculture prévu le mardi 13 février 2024 au palais du Luxembourg. Comment allier productivité, revenu des agriculteurs et nécessaire transition écologique ?

La pause d’Ecophyto divise

La pause du plan Ecophyto actée par le gouvernement pour répondre aux manifestations d’agriculteurs a été saluée comme une respiration par certains sénateurs. « Il faut d’abord trouver des solutions de remplacement », pousse Pierre Médevieille (Les Indépendants, centre droit). « Pas d’interdiction sans solution », le slogan porté par la FNSEA a été repris par la ministre déléguée à l’Agriculture, Agnès Pannier-Runacher, en réponse aux députés : « Il n’est plus question de faire de l’écologie punitive. »

À gauche, l’arrêt du plan Ecophyto est vu comme un « signal désastreux ». Pour aller vers une transition agroécologique, Henri Cabanel (RDSE, gauche) défend des « paiements pour services environnementaux » pour accompagner les agriculteurs dans la transition écologique. Des services sélectionnés par l’agriculteur parmi un panel de solutions « permettent de s’adapter aux territoires », plaide le sénateur. « Notre ligne, c’est ne pas opposer souveraineté alimentaire et transition écologique », répond la ministre déléguée, tout en reconnaissant que « les premières victimes des produits phytosanitaires sont les agriculteurs eux-mêmes » et en assurant développer la recherche pour trouver des alternatives aux produits phytosanitaires.

Réclamée par bon nombre de sénateurs de tout bord, la simplification administrative aura un volet dans le projet de loi d’orientation agricole, a assuré la ministre déléguée à l’Agriculture pour « faciliter l’installation d’ouvrages de stockage d’eau et de bâtiments pour l’élevage ».

Sur l’installation, de nombreux sénateurs de droite ont défendu des incitations fiscales sur la transmission. « Préférons la carotte au bâton », propose Christian Klinger (LR, droite). La mise en place de prêts bonifiés, demande du syndicat Jeunes Agriculteurs, est « en train d’être expertisée », répond la ministre « L’exonération des plus-values sur les droits de succession » est examinée pour être intégré au projet de loi de finances pour 2025.

La concurrence déloyale rassemble

Un point sur lequel les sénateurs se sont réunis : le faible revenu des agriculteurs et la concurrence déloyale des productions étrangères. Sur le premier point, le socialiste Jean-Claude Tissot a réclamé une commission d’enquête afffectée au revenu agricole tandis que la ministre a rappelé qu’un rapport du ministère sur les marges des industriels et de la grande distribution était en cours.

Son collège écologiste Daniel Salmon, (Écologie – Solidarité et Territoires) a observé « de fortes inégalités dans le partage de la valeur ». « Il faut plus de régulation des relations commerciales et des marchés, plus de protection face aux importations et aux produits qui ne respectent pas nos normes. »

Les clauses miroirs, ces normes qui interdiraient l’entrée sur le marché européen de produits avec des règles environnementales différentes suscitent l’unanimité auprès des représentants de la chambre haute.

Alors que l’Union européenne était pointée du doigt pour la signature d’accords commerciaux poussant à la concurrence déloyale, comme le Mercosur, « la Pac et ses 9 milliards d’euros sont des acquis que nous devons préserver, s’est exclamé Bernard Buis (RDPI, centre-droit), ne cédons pas aux sirènes populistes et europhobes ».

Le rayonnement de la ferme France et son besoin de rester compétitif face aux autres pays sont une idée populaire dans les rangs de l’Hémicycle. Alors que « les agriculteurs sont soumis à de multiples taxes, leur revenu ne doit pas être la variable d’ajustement de la compétitivité », pose de son côté le sénateur Christian Klingler (LR).