Les prix du blé et de l’orge ont nettement reculé cette semaine, mais à l’inverse ceux des oléagineux ont enregistré de belles progressions et même un record en colza.

 

Les prix de blé stables à baissiers cette semaine

Ces derniers jours, la volatilité a été très importante sur le marché mondial. Sur l’échéance septembre, le prix à Rouen a baissé cette semaine de 11,5 €/t, à 255,75 €/t, sous l’influence d’Euronext et de la clôture de contrats sur les échéances à court terme.

 

Aux États-Unis les prix ont dévissé. Le prix du HRW a perdu 32 $/t et celui du SRW a reculé de 19 $/t. Les « farmers » ont en effet été vendeurs, encouragés par les bons niveaux de prix de ces derniers jours. En revanche sur l’échéance de décembre, qui semble maintenant la plus traitée, le prix du blé sur Euronext est au même niveau que la semaine dernière. Les acheteurs font preuve d’un certain attentisme, entre l’annonce de récoltes plutôt bonnes dans l’est de l’Union européenne, de bonnes conditions pour les maïs, une possible hausse des taxes à l’exportation en Russie, et la parution très prochaine des estimations officielles de récoltes au Canada.

 

D’une part, la récolte de blé pourrait être encore meilleure que prévu en Roumanie, een Bulgarie et en Ukraine. En Roumanie, la récolte pourrait atteindre le niveau record de 11,4 millions (contre 6,3 millions de tonnes récoltées en 2020). En Russie, les rendements se dégradent à mesure que la récolte avance, mais la qualité semble vraiment bonne. Les prix n’ont pas évolué en Russie (tout comme en Ukraine), mais les opérateurs craignent que les taxes à l’exportation ne soient réévaluées à la hausse en septembre. Cela pourrait engendrer une baisse de la demande adressée aux exportateurs de la mer Noire au cours des prochaines semaines. Les opérateurs se sont d’ailleurs pressés le plus possible pour exporter sur août.

 

La parution du rapport de StatCan (service canadien de la statistique) prévue le 30 août, qui devrait entériner une très mauvaise récolte canadienne, est par ailleurs très attendue. En fonction du niveau de moisson estimé pour les blés, les prix pourraient bouger assez brutalement.

 

La demande à l’exportation échappe à la France sur ce début de campagne

Sur le marché mondial, la demande en blé a été dynamique cette semaine avec des achats du Pakistan, des Philippines, du Japon, de la Jordanie et de la Tunisie, ainsi qu’un appel d’offres de la Turquie pour 300 000 tonnes de blé meunier.

 

Parallèlement à cette bonne demande, les chargements de blés dans les ports français ralentissent cette semaine par rapport aux précédentes. Depuis le début de la campagne, les prix français peinent à rivaliser avec ceux de la mer Noire (+24 $/t par rapport au blé 11,5 % de protéines en Ukraine).

 

L’évaluation de la qualité de la récolte de blé dans l’Hexagone n’est pas encore terminée. Pour certains lots, les poids spécifiques ou les temps de chute de Hagberg trop bas ont conduit à des refus de marchandise.

 

De plus, les soucis logistiques se cumulent en France avec des pénuries de camions, de péniches et de bateaux. Les prix sont donc tiraillés entre leur manque de compétitivité sur la scène internationale, d’une part, et des soucis d’approvisionnements et de qualité, d’autre part.

 

Baisse des prix d’orge fourragère, mais hausse des cours brassicoles

Que ce soit à Rouen ou sur la Moselle, les prix de l’orge se sont contractés, mais la baisse a été nettement plus marquée à Rouen (–22,25 €/t, à 230 €/t en prix Fob). Les prix ont reculé comme ceux du blé à Rouen, mais dans une proportion plus importante. La crainte de voir la demande chinoise diminuer au cours des prochains mois n’est pas étrangère à ce phénomène.

 

En Chine, les prix du porc ont nettement baissé, engendrant une moindre demande des éleveurs. De plus, la peste porcine africaine n’est pas éradiquée, ce qui contribue également à la baisse du cheptel porcin. Certaines sources prédisent un recul de 14 % de la production de porc pour l’année 2022. Si une telle baisse devait se concrétiser, alors l’impact serait très conséquent sur les importations d’orge du pays et donc sur les exportations françaises.

 

En effet, depuis mai 2020 et jusqu’à présent l’empire du Milieu a massivement importé de l’orge de toutes les origines autorisées par Pékin, ce qui a permis aux prix de l’Hexagone d’être nettement plus chers que les autres origines tout en trouvant un débouché. Si la Chine ralentit effectivement ses achats de manière importante, alors la France va devoir trouver d’autres débouchés et donc réduire l’écart de prix par rapport à ses concurrents habituels.

 

D’ailleurs, les prix d’orge dans la zone de la mer Noire n’ont pas varié cette semaine. L’orge française est maintenant 8 $/t plus chère que l’orge ukrainienne, contre un écart de 33 $/t la semaine dernière.

 

Pour les orges de brasserie, la situation est toute autre puisque les prix ont gagné 4 €/t pour l’orge de printemps, à 264 €/t, et 5 €/t pour l’orge d’hiver, à 246 €/t. La prime brassicole (différence entre prix fourrager et prix brassicole) est donc de 43 €/t pour l’orge de printemps et 25 €/t pour l’orge d’hiver. Au cours des campagnes récentes de tels niveaux de primes ont été plutôt rares : la tension sur ce marché est vive sur la campagne de 2021-2022.

 

Maintien de bonnes perspectives en maïs

En France, les conditions continuent d’être bénéfiques au développement des maïs qui n’ont pas été aussi beaux depuis plusieurs années. La situation est plutôt similaire pour les voisins européens, mais par contre le temps sec et chaud en Roumanie et en Bulgarie continue de dégrader les potentiels de rendements.

 

La demande espagnole s’est d’ailleurs manifestée pour du maïs français cette semaine, qui est jugé plus compétitif que ses concurrents. Le maïs français est coté à 267 $/t Fob Bordeaux pour la récolte de 2021, tandis que le maïs ukrainien est coté à 262,5 $/t Fob (mais rendu Espagne le maïs français est moins cher). Cependant, les prix ukrainiens ont perdu 5 $/t au cours de la semaine et semblent vouloir gagner en compétitivité.

 

Outre Atlantique le tour de plaine de Pro Farmer s’achevait à la toute fin de la semaine dernière et a confirmé les prévisions du ministère de l’agriculture américain. Toutefois, les prix du maïs ont cédé du terrain avec l’annonce de pluies importantes à venir sur la « Corn-belt » aux États-Unis. Le maïs américain a perdu 7 $/t, à 259 $/t, au cours de la semaine et enregistre la baisse la plus marquée. De plus, la baisse a été renforcée par des exportations décevantes. À tire d’exemple, entre le 20 et le 27 août 2021, environ 684 000 tonnes de maïs US ont été vendues, contre 1,8 million l’an passé sur la même période.

 

Le maïs brésilien a, quant à lui, abandonné 6 $/t pour atteindre 264 $/t. La première récolte brésilienne s’est achevée peu après la mi-août et est estimée en hausse de 9 % par rapport à l’année dernière. Le marché mondial du maïs pourrait également être perturbé par les nouvelles de Chine concernant la réduction des cheptels porcins. Si cette réduction se confirme bel et bien, alors les prix du maïs pourraient continuer de s’effriter.

 

À lire aussi : Comment réagir face à un maïs grêlé (26/08/2021)

 

Nouveau record battu pour le colza

En une semaine, le prix du colza rendu Rouen a grimpé de 20 €/t, atteignant 581 €/t pour la première fois de son histoire. Les prix ont aussi nettement augmenté en Fob Moselle (+13 €/t, à 583 €/t, un record également) et sur le marché à terme d’Euronext (+11,25 €/t pour l’échéance de novembre).

 

En effet, les disponibilités attendues sur le marché européen et mondial pour la campagne à venir se réduisent un peu plus cette semaine. En Allemagne, les récoltes progressant montrent des rendements décevants. Des chaleurs excessives pendant le remplissage des graines, suivies de conditions très humides juste avant et pendant la récolte ont affecté les cultures.

 

Par ailleurs, les dernières semaines ont été excessivement sèches et chaudes dans le nord de l’Union européenne, affectant les colzas des pays scandinaves et des pays baltes.

 

Enfin, les moissons en Europe centrale, que l’on savait affectées par une sécheresse et une extrême chaleur estivale, sont encore plus basses qu’attendu. Seule la France tire son épingle du jeu. Un temps propice à une longue floraison et un bon remplissage des graines en juin et juillet a permis aux plantes de compenser les aléas des mois précédents dans le centre et l’ouest du pays. La moisson française s’avère ainsi un peu meilleure qu’attendu avant récolte.

 

De l’autre côté de l’Atlantique, les canolas canadiens n’ont guère eu de moment propice à leur développement cette année, et continuent à accumuler les pépins climatiques. Après avoir souffert de chaleurs records et du manque d’eau, des précipitations très importantes ont arrosé les champs, en pleine moisson, sur les sept derniers jours. En une semaine, il est tombé plus de 75 mm d’eau dans l’ouest du Manitoba et l’est du Saskatchewan. Cela devrait entraîner des chutes de graines dans les champs à maturité, et dans les champs en andains, qui étaient sur le point d’être récoltés.

 

Les estimations de la récolte canadienne des différents acteurs de marché sont extrêmement diverses. La raison principale est que les conditions vécues par le Canada cette année sont inédites, notamment en raison des chaleurs extrêmes ayant touché tout l’Ouest. L’ampleur des pertes de rendements, mais aussi la surface perdue, sont très incertaines. Toutefois, nous attendons avec certitude une récolte canadienne extrêmement basse. Le Canada devrait donc fortement réduire la trituration de canola cette année, mais aussi ses exportations.

 

Cette semaine, le prix du canola canadien a ainsi progressé de presque 42 $/t sur l’échéance de mai 2022, qui ne se retrouve maintenant que 15 $/t en dessous de la cotation de novembre 2021 (qui n’a augmenté que de 13 $/t). L’inquiétude sur les disponibilités grandit fortement : les opérateurs craignant de ne pas trouver de volumes disponibles en 2022 couvrent leur risque de manière très précoce, ce qui explique cette forte hausse de prix pour une échéance de livraison éloignée.

 

La forte hausse du prix du pétrole cette semaine (+7,3 %) a aussi fortement soutenu les prix des colzas.

 

Léger rebond du soja en raison de craintes climatiques en Amérique

Les cours US de la fève sur l’échéance de septembre ont gagné plus de 16 $/t sur la semaine (à 502 $/t), sous l’effet des incertitudes climatiques. Le contrat de novembre s’est en revanche nettement moins apprécié avec une hausse modeste de 2 $/ (à 487 $/t). Les prix du soja US se sont d’abord dépréciés au début de la semaine en raison de la crainte d’un ralentissement mondial de la demande en huiles dans les biocarburants, lié au rebond épidémique du coronavirus un peu partout.

 

Le tassement de la demande à l’exportation aux US, notamment vers la Chine, a également rajouté un peu de pression baissière, les importateurs étant un peu refroidis par la remontée du dollar. Le recul des prix a toutefois été entièrement gommé en milieu de semaine à la suite d’un rebond marqué des cours de la fève. La prévision d’un temps plus chaud et sec dans les plaines US pouvant dégrader un potentiel de rendement, déjà affecté par un déficit hydrique marqué dans l’ouest et le nord-ouest des Grands Lacs, a tiré les prix à la hausse.

 

De plus, l’USDA a encore abaissé de 1 point cette semaine la part des cultures de soja se trouvant dans un état bon à excellent (à 56 % des surfaces totales). Des craintes qui se renforcent sur un possible retour de la Niña ont également apporté un peu de soutien aux prix. Selon son intensité, ce phénomène météorologique peut engendrer une sécheresse au Brésil et en Argentine, ce qui est de nature à fortement réduire le potentiel des cultures de soja.

 

Évolution en ordre dispersé des prix du tourteau de soja

Les prix du tourteau de soja à Chicago ont évolué dans le sillage de la fève en s’appréciant de 5 $/t en une semaine (à 393 $/t). En revanche, ils se sont affaissés à Montoir, avec un repli de 6 €/t (à 404 €/t). Cette baisse est imputable à l’effondrement des cotations des céréales fourragères en Bretagne. Le prix Fob argentin est, quant à lui, resté assez stable sur la semaine (à 396 $/t), faute d’activité marquée à l’exportation. Les exportations argentines demeurent fortement perturbées par le très bas niveau d’eau du fleuve Paraná. Cette situation pourrait se prolonger plusieurs semaines, voire plusieurs mois.

 

Par ailleurs, le prix du pois s’est légèrement apprécié de 3 €/t (à 283 €/t) compte tenu de récoltes françaises très décevantes sur le plan qualitatif et quantitatif.

 

Le tournesol en hausse dans le sillage des autres oléagineux

Le prix du tournesol français gagne 5 €/t, à 515 €/t, depuis la semaine dernière pour la qualité standard. Cette hausse est à mettre notamment sur le compte du rebond des prix du colza et du soja sur le marché européen et mondial. Cependant, le prix de la qualité oléique, ayant fortement augmenté la semaine dernière, a subi une baisse de 7,5 €/t vu les bonnes conditions pour le tournesol en France, réduisant la prime oléique à 12,5 €/t. Notons que cette année, la part de la surface oléique en France est estimée en baisse par rapport à 2020 (de 85 % des surfaces, la part du tournesol oléique est passée à moins de 70 %). Cela est dû à la faible prime oléique durant la campagne de 2020-2021, cette prime ayant même été négative sur quelques périodes de la campagne.

 

En mer Noire, le prix Fob moyen (Ukraine, Roumanie, Bulgarie) continue de progresser (+8 $/t à 560,5 $/t), soutenu par la fermeté du prix de l’huile de tournesol et par les conditions chaudes et sèches en Bulgarie. Les trois origines devraient être assez sollicitées en nouvelle campagne en raison de la perte de compétitivité du tournesol russe, pénalisé par un droit d’exportation de 50 %, en vigueur depuis le 1er juillet.

 

À suivre : conditions climatiques en Amérique du Nord (blé, orge, soja, canola, maïs), en Europe et en mer Noire (tournesol, maïs), taxe russe en septembre sur les céréales, prix du pétrole, conditions sanitaires en Europe et dans le monde.