«Ce sont des animaux dociles, moins peureux, précoces, qui ont conservé les qualités de rusticité des salers, avec des vêlages faciles, des mères maternelles et laitières… La montée en puissance du gène sans cornes dans notre troupeau ne présente que des avantages ! » Cédric Bednarek ne tarit pas d’éloges sur les bovins « polled ».

Installé avec Stéphane Peultier à Pierreville, en Meurthe-et-Moselle, il est responsable de l’atelier allaitant de cent vingt mères salers. « Nous avions quelques craintes pour la morphologie, mais avec une bonne sélection, nous avons conservé des bêtes bien conformées, explique Cédric. C’est seulement au niveau de la tête, un peu plus plate, triangulaire, que l’on devine l’ascendance angus. »

Il y a une dizaine d’années, les associés s’orientent vers le « sans cornes ». « Pour des raisons de sécurité pour nous, mais aussi pour les vaches. Nous avons eu quelques cas d’avortement, à la suite des coups de cornes, explique Cédric. L’écornage est fastidieux et douloureux pour les bêtes. Nous avons testé toutes les méthodes – fers, pâtes acides –, mais rien n’est vraiment satisfaisant. »

Avec vingt-trois éleveurs de salers, situés dans le berceau de la race, mais aussi dans l’Est, en Bretagne, en Normandie ou en Vendée, Cédric monte en 2010 un GIE pour mettre en place ce programme. Vingt-cinq embryons sont achetés au Canada. « Là-bas, cela fait cinquante ans que les salers sont sans cornes, par croisement avec l’angus, précise-t-il. Nous avons choisi l’option embryons, car c’est nettement plus rapide que le croisement. Il nous aurait fallu trente-cinq à quarante ans pour arriver au même résultat ! » Le GIE a acheté un taureau en Écosse, dont la semence a été prélevée et partagée entre les adhérents. Depuis, il tourne dans les élevages du groupe. Un autre animal a été acheté en Suisse.

20 à 25 IA par an

Au Gaec des Acajoux, l’IA pour introduire le gène sans cornes est pratiquée chaque année sur vingt à vingt-cinq des meilleures vaches. Les autres sont en monte naturelle, grâce aux quatre taureaux de l’élevage, dont un seul est cornu. « Aujourd’hui, une trentaine de nos vaches sont génétiquement sans cornes, précise Cédric. Trois-quarts des veaux à naître ont un parent possédant le gène polled. La moitié des veaux nés devraient donc être sans cornes. L’absorption totale du gène devrait être réalisée d’ici sept à huit ans. Nous y allons progressivement, pour bien maîtriser la génétique. Le croisement a aussi un impact intéressant sur la qualité de la viande, davantage persillée. Et puis, cela va dans le sens du bien-être animal. »

Les relations avec les responsables du herd-book salers et certains éleveurs du berceau de la race, un temps tendues, deviennent plus faciles. « Désormais, la moitié des salers de France sont sans cornes. Il y a une forte demande des centres de sélection pour de la semence de reproducteur polled. Un de nos taureaux, Montesquieu, né dans le Cantal au Gaec de Solignac, sera prélevé au centre Elitest d’Epinal d’ici à la fin de l’année. C’est le taureau sans cornes moderne par excellence, très docile et bien conformé. »