« Les éleveurs de bovins tiennent encore debout, animés par la passion de leur métier, mais il faut faire vite », s'inquiète Philippe Auger, président d'Elvea France, à l'occasion de l’assemblée générale de l’association tenu le 8 septembre 2022 à Orléans (Loiret).
La raréfaction de l'offre dans les campagnes, ressentie par tous depuis le début de l'année, impose aux professionnels de s'adapter autrement. « Encore cette année, une perte de 100 000 vaches supplémentaires est annoncée, et pourtant, aucun changement d'attitude n'est constaté », déplore Bruno Dufayet, président de la Fédération nationale bovine (FNB) lors du congrès.
Hausse des cours insuffisante
Si la progression des cotations avait donné un signal encourageant aux producteurs, elle a été vite rattrapée par la flambée des prix des matières premières. « Entre juin 2021 et juin 2022, l'Ipampa bovin viande a grimpé de 24 % », appuie Gilbert Delmond, vice-président d'Elvea France. « Il y a toujours un euro d'écart entre le prix de revient et le revenu des producteurs », soutient le président de la FNB.
« Dans un contexte marqué par une valorisation insuffisante des bovins, autant en animaux gras que maigres, la mobilisation des organisations de producteurs (OP) du réseau Elvea France est d’autant plus cruciale », reprend Gilbert Delmond. Afin de donner de réelles perspectives aux éleveurs, les travaux de structuration de filières rémunératrices doivent se poursuivre. Le réseau compte notamment sur la récente association d'OP, ElveaOP, pour négocier des accords-cadres avec plus de poids.
Depuis la reconnaissance officielle d'ElveaOP en février 2022, déjà deux contrats conformes à la loi Egalim 2 ont été conclus avec le groupement Les Mousquetaires, d'envergure nationale, et avec la société Pruvost Leroy, pour les régions Normandie et Hauts-de-France. « Preuve qu'il est possible d'avancer sur la contractualisation en viande bovine, même s'il ne s'agit que de petits volumes au départ », encourage Philippe Auger.
Porter des engagements concrets
« Éleveurs, négociants, marchés, exportateurs et abatteurs sont le cœur du réacteur. Le maillon de la distribution s'adaptera toujours à vendre la marchandise que les producteurs leur mettront à disposition », estime le président d'Elvea France. Une vision partagée par Gilles Gauthier, président de Culture Viande, qui indique qu'avec la raréfaction de l'offre, l'économie de marché n'est plus régie par la loi de l'offre et la demande.
Bruno Dufayet compte notamment sur les assises du bœuf, lancées il y a moins d'un an, pour passer à des actes concrets : « Partageons des ambitions communes, appelle-t-il. Les trente-six millions injectés pour ces rencontres devront apporter de réelles solutions à la situation d'urgence de l'élevage. »
Mise en péril des maillons de la filière
Pour tous, le maintien de la filière bovine est à la croisée des chemins. La décapitalisation qui s'accélère, le manque de revenus et l'explosion des coûts de production exacerbent les tensions, et pas seulement dans le cours des fermes.
Bruno Debray, nouveau président de la Fédération des marchés aux bestiaux en vif (FMBV), s'inquiète de la pérennité de ce maillon. « Combien restera-t-il d'acheteurs et dans quelle proportion pour garantir une mise en concurrence saine et loyale ? », s'interroge-t-il.
Du côté des négociants en bestiaux, le bilan n'en est pas plus réjouissant. Dominique Truffaut, président de la Fédération française des commerçants en bestiaux (FFCB), parle d'une restructuration d'ampleur en cours. « Les négoces ont de plus en plus de difficultés à satisfaire leurs clients en volumes et en qualité. Les circuits de commercialisation et la logistique de ramassage ont été revus », témoigne-t-il.
Les marges des négociants rognée
Toutes les entreprises de négoce déplorent des baisses d'activité de l'ordre de 5 à 15 % suivant les structures. Ces dernières se regroupent ou bien se font racheter par de plus grands groupes pour faire face.
La hausse du prix des bovins de l'ordre de 30 % en un an couplée à la baisse de volumes accentue les besoins en fonds de roulement et rogne les marges, selon Dominique Truffaut. Mais au-delà des effets de la décapitalisation, c'est l'envolée du prix du carburant qui met à mal bon nombre d'entreprises.
Pour pallier ces difficultés, le réseau d'Elvea compte pousser le développement de la contractualisation, encadrée par Egalim 2. « ll convient de trouver des pistes plausibles pour enclencher la mise en fonctionnement de cette loi dont les éleveurs ont besoin », soulève le président de la FFCB.