« Nos villages existent parce qu’il y a des agriculteurs. Comment peut-on en tant que collectivité territoriale apporter notre pierre [à l’édifice] pour répondre à cette problématique de la production agricole ? » s’interrogeait Christian Vivier-Merle, maire d’une petite commune dans les Bouches-du-Rhône. Il intervenait à l’occasion d’une conférence sur le thème « Logement et agriculture, quelles connexions au cœur des territoires » au congrès des maires à Paris, le mercredi 19 novembre 2025.
« Trouver une location, c’est rare et les loyers sont excessifs »
Laurent Deville, agriculteur avec neuf salariés permanents et 25 saisonniers témoigne : « Nous sommes dans des régions où parfois la pression foncière peut être extrême. Trouver une location, c’est rare et les loyers sont excessifs [pour les salariés agricoles]. » Résultat, pour loger les salariés agricoles, la plupart du temps saisonniers, « les agriculteurs aujourd’hui font avec les moyens du bord… Ils ont une épée de Damoclès sur la tête. »
Entendez par là le risque d’un contrôle de l’Inspection du travail, où face aux difficultés de loger les salariés, « nous [les agriculteurs] sommes un pied dans le vert et un pied dans le rouge », sur une ligne de crête qui n'est pas des plus confortables…
Les difficultés de logement des salariés agricoles se résument en trois enjeux qu’il faut faire évoluer, explique Céline Camgrand-Vila, maraîchère et élue à la commission de l'emploi à la FNSEA :
- Encourager la « simplification administrative » pour les agriculteurs ;
- Endiguer le problème de l’accès au logement des zones tendues sur leur manque et le montant des loyers ;
- Accompagner la transformation de vieux logements ou bâtiments agricoles laissés à l’abandon.
Quelles solutions ?
« Il faut faire évoluer le cadre législatif, indique le maire Christian Vivier-Merle. Depuis quinze ans, les règles d’urbanisme se sont énormément durcies sur les notions de construction en zone agricole. » Heureusement, les édiles s’adaptent parfois à la réalité agricole.
Laurent Deville se souvient d’un maire d’une commune avoisinante qui donnait une autorisation annuelle d’installation d’un mobil-home pour les salariés à condition que l’agriculteur lui fournisse les papiers prouvant qu’il était en règle au regard du droit du travail. Le mobil-home restait sur place d’une année sur l’autre mais l’autorisation était renouvelée chaque année pour permettre à l’édile de contrôler le respect du droit. Mais en renouvelant cette autorisation, « le maire était hors la loi », rappelle l’agriculteur.
« Nous sommes parvenus à mettre en place dans les Bouches-du-Rhône un permis précaire », explique Laurent. Ce « permis précaire permet de déposer en préfecture une autorisation de mettre un mobil-home pour trois ans », mais il faudrait « faire évoluer la législation pour arriver à un permis spécifique agricole ».
Pour Céline Camgrand-Vila, « la réglementation d’urbanisme n’est pas adaptée » aux agriculteurs. Il y a bien le permis saisonnier qui permet de faire des installations pour trois mois, reconnaît la syndicaliste, « mais en agriculture, les saisons ne durent pas trois mois ».
Une autre proposition est avancée par la FNSEA. Le syndicat a créé une carte de France avec les zones à forte demande saisonnière et les logements vacants issus des données de l’Insee. « Il y a des endroits où il y a à la fois de forts besoins de contrats saisonniers et des logements vacants, surtout dans la vallée du Rhône et le Sud-Ouest. Dans ces zones-là, il y a des logements vacants qui pourraient être utilisés pour l’agriculture », assure l’agricultrice.

Une exception peu utilisée par les maires
Une autre option existe, mais elle est peu utilisée par les élus : « le Stecal » (secteur de taille et de capacité d’accueil limité). Cet outil juridique est une exception au plan local d’urbanisme qui permet d’assouplir les règles de construction zone agricole. « Ce sont les élus qui les créent », explique Romain Rousselet, juriste à la FNSEA, d’où l’importance « du dialogue » avec les élus.
Le syndicat a justement lancé quelques heures après, sur son stand, un « manifeste exclusif pour renforcer la coopération entre les agriculteurs et les élus locaux », en vue des élections municipales de mars 2026.