L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) a annoncé, le 9 avril 2021, travailler au développement du premier indicateur mondial de suivi du stock de carbone dans les sols (1). Un projet important, alors que des verrous techniques limitaient les avancées sur le sujet, pourtant identifié comme une solution d’atténuation du changement climatique. Cet indicateur repose sur des mesures de télédétection rendues possibles grâce aux satellites de nouvelle génération (Sentinel de l’Agence spatiale européenne).
« Ils repassent au même endroit tous les deux à cinq jours », explique Éric Ceschia, directeur de recherche à l’Inrae. Cela permet de suivre des indices de végétation, et donc de quantifier la durée – en nombre de jours – de couverture végétale sur les parcelles de grandes cultures à l’échelle mondiale, avec une résolution de 10 mètres. Quelques territoires français ont déjà fait l’objet d’une cartographie, comme la région Normandie, le département de l’Ain, ou encore la région toulousaine.
Du flux net au bilan carbone
« À partir de ces cartes à haute résolution, l’objectif est de construire des cartes de flux annuels de CO2 à l’échelle de la parcelle et sur de très larges territoires », indique Éric Ceschia. En effet, de précédents travaux ont montré un lien direct entre durée annuelle de couverture végétale des sols cultivés et accumulation de carbone pour les grandes cultures en Europe.
L’ensemble des Pays-Bas a déjà fait l’objet d’une telle analyse. Avec un système de gradient, les parcelles apparaissent en vert si elles ont fixé du CO2 à l’échelle annuelle, et en rouge dans le cas contraire. Ces cartes devraient être réalisées à l’échelle de la France entière « à la mi-2021 ».
Le flux net de CO2 est l’une des trois variables qui permettent de réaliser les bilans carbone, avec les amendements organiques et les exportations à la récolte. Ainsi, à terme, « il sera possible d’obtenir un tableau de bord mondial pour suivre l’évolution des stocks de carbone dans les sols agricoles et comprendre à quel rythme les pratiques compatibles avec l’objectif “4 pour 1000” se déploient dans le monde », assure l’Inrae. Pour obtenir de tels résultats, il faudra encore compter quelques années de développement. Le premier frein est l’accès aux données de pratiques des agriculteurs et leur consentement. « C’est techniquement faisable, mais il faut l’automatiser et le systématiser en connectant les logiciels de gestion des exploitations agricoles, comme “Mes parcelles” en France », explique le directeur de recherche. L’étape suivante sera de complexifier encore l’approche, pour y ajouter des indicateurs tels que la biomasse, le rendement, le stockage additionnel spécifiquement lié aux couverts intermédiaires…
Indicateur de lixiviation
Éric Ceschia précise qu’un indicateur de risque de lixiviation des nitrates fait également l’objet de développement avec une logique similaire (suivi des cultures et couverts intermédiaires). Il serait même possible d’estimer des flux d’azote en couplant images satellitaires et modélisation.
Hélène Parisot
(1) Dans le cadre du projet Soccrop en partenariat avec Planet A, un collectif international qui travaille sur les défis du monde agricole.