La semaine a été marquée par les résultats de l’élection américaine et par l’annonce d’un possible vaccin contre le coronavirus. Ces nouvelles ont toutes les deux exercé un effet plutôt haussier sur le prix des matières premières agricoles sur le marché mondial. La première en faisant chuter le dollar et la seconde un insufflant un regain d’espoir pour l’économie et les échanges.

 

Par ailleurs, le secrétariat américain à l’agriculture (USDA) a publié des estimations haussières ce mardi en maïs et en soja pour les États-Unis et le monde. Dans ce contexte, les prix des graines oléagineuses et des céréales fourragères restaient orientés en hausse sur la semaine alors que ceux du blé ont marqué une pause.

Stabilisation des prix du blé

Après avoir encore gagné environ 2 €/t en début de semaine, le blé français s’est légèrement affaissé en cette fin de semaine à 207,25 €/t rendu Rouen (base juillet). Cela représente une petite baisse de 0,5 €/t par rapport à la cotation de la semaine dernière alors que la cotation à La Pallice a, elle, gagné 1 €/t à 209 €/t. L’échéance décembre du Matif affichait vendredi 13 novembre 2020 en milieu d’après-midi le niveau de 209,25 €/t, voisin de celui de la semaine dernière.

 

La forte progression de la semaine dernière et la montée parallèle de l’euro face au dollar étaient venues renchérir nettement les blés français sur le marché mondial en fin de semaine dernière. Ceux-ci ont donc perdu en compétitivité. En conséquence, avec également peu de chargement vers la Chine cette semaine, les prix se sont affaissés légèrement. Ce mouvement a été renforcé par un retrait des prix US (- 5 à 9 $/t selon les qualités) avec l’amélioration de la situation des blés d’hiver alors que les blés russes et ukrainiens se sont plutôt renchéris (de 3 à 5 $/t).

La Russie dévoile ses mesures de contrôle à l’export

Mercredi 11 novembre 2020, la Russie a enfin donné des détails sur la manière dont elle allait contrôler ses exportations en seconde moitié de campagne : elle a décidé d’instaurer un quota d’exportations de 15 millions de tonnes pour l’ensemble des principales céréales ente le 15 février et le 30 juin. Il reste à voir comment seront exactement comptabilisés ces quotas mais leur annonce a plutôt rassuré les opérateurs car ils ont été jugés en ligne avec les disponibilités qui resteront à exporter à partir de février.

 

Leur mode d’attribution reste à préciser mais il est probable que les exportateurs essaient de maximiser leurs ventes avant février dans le but d’obtenir le plus de quotas possibles (car l’attribution de ces derniers par compagnie sera probablement liée à la part des exportations de chaque compagnie pendant la période juillet-janvier). Les agriculteurs russes semblent par ailleurs vouloir vendre le plus rapidement possible avant l’arrivée des quotas. Si cette attitude des producteurs russe se confirme après des semaines de rétention, cela pourrait exercer un effet baissier sur les prix russes.

Une belle série d’achats de blé cette semaine

L’Arabie Saoudite a bouclé un achat de 860 000 tonnes de blé à 12,5 % de protéine pour arrivée en février-mars ; l’Algérie a acheté 600 000 tonnes pour chargement sur décembre et janvier ; l’Ethiopie vient de contracter 600 000 tonnes et la Turquie 550 00 tonnes de blé à haute teneur en protéine. L’Iran, enfin, a acheté environ 300 000 tonnes et le Pakistan revient aux achats en lançant aujourd’hui un appel d’offres pour 400 000 tonnes. Ces achats soulignent des besoins importants et viennent confirmer la tendance prévue de stocks sui seront relativement bas en fin de campagne à l’échelle mondiale (Chine et Inde exceptées).

Forte hausse aussi des prix de l’orge

L’orge fourragère ne suit pas le blé cette semaine et gagne encore 4 €/t à Rouen, à 197 €/t rendu (base juillet). Les orges françaises grimpent seules, les prix restant stables en mer Noire à des niveau beaucoup plus bas (environ 215 $/t Fob pour les orges ukrainiennes contre 240 $/t Fob pour les orges françaises). La hausse des prix fourragers continue de soutenir les prix brassicoles d’hiver (+ 1 €/t Fob Creil à 194 €/t) mais pas ceux des orges de printemps qui abandonnent 2 €/t à 197 €/t Fob Creil sous l’effet des mesures de confinement et de la réduction de demande qui en découle (en bière et donc en malt).

 

Le marché fourrager français est actuellement mené par la demande chinoise. Nous avons relevé le besoin d’importations d’orge de la Chine en provenance du marché mondial. La France fait partie des rares origines pouvant exporter vers cette destination (ses orges ont reçu l’autorisation chinoise en respectant un cahier des charges très strict), tout comme le Canada et l’Argentine. Ces trois pays sont donc très sollicités par la Chine pour remplacer les orges australiennes dont elle s’est elle-même privée pour des raisons diplomatiques.

L’Arabie Saoudite anime aussi le marché en orge

Outre ce soutien exercé sur les prix mondiaux par la demande chinoise, l’Arabie est venue aussi contribuer à la hausse cette semaine en lançant un appel d’offres hier de 720 000 tonnes pour livraison en février. Il est peu probable que les orges françaises soient retenues, compte tenu de leur prime par rapport aux autres origines, mais cela contribue à l’ambiance haussière. L’Arabie Saoudite devrait cette année constituer un débouché de choix pour les orges australiennes en remplacement du marché chinois.

 

En Arabie Saoudite toujours, le conseil des ministres a annoncé cette semaine sa décision de désengager l’Etat des achats d’orge et de les transférer au secteur privé (jusqu’à aujourd’hui, c’est l’organisme d’Etat, la SAGO, qui assure les importations). Cette nouvelle s’inscrit dans le cadre du mouvement de libéralisation déjà entamé dans d’autres secteurs de l’économie, dans celui de la meunerie notamment. La date de ce transfert au secteur privé n’a cependant pas encore été annoncée. Il restera à observer si cette libéralisation peut influer sur la taille des importations à venir.

Situation mondiale tendue en maïs

Le marché du maïs a été fortement influencé en ce début de semaine par la publication du rapport du ministère américaine de l’agriculture (USDA) concernant l’offre et la demande mondiale de maïs. L’USDA a révisé en baisse les rendements de maïs aux États-Unis et relevé fortement les exportations américaines pour remplacer les maïs ukrainiens perdus par la sécheresse. La récolte ukrainienne devrait se situer ainsi aux alentours des 30 millions de tonnes — l’USDA la positionne à 28,5 millions de tonnes — ce qui représente une perte de 7 millions de tonnes par rapport à la récolte 2019.

 

L’USDA a enfin relevé son estimation des importations de maïs par la Chine à 13 millions de tonnes, une évolution attendue mais encore très largement en deçà de la réalité de la campagne. Ces éléments confirment que le bilan mondial du maïs sera beaucoup plus tendu que prévu il y a quelques mois. Les stocks mondiaux sont maintenant attendus en baisse et les États-Unis vont devoir mener une campagne d’exportations dynamique pour répondre à la demande mondiale.

 

L’Union européenne, de son côté, voit sa production chuter par rapport à l’an passé. Elle ne pourra néanmoins pas compenser en important autant de maïs des pays tiers que l’an dernier, ce qui favorise l’intérêt pour les maïs français et nord-européen notamment. Dans ce contexte, les prix Fob Rhin gagne gagnent cette semaine 3 €/t à 202 €/t (base juillet).

Des prix du soja à un niveau historiquement élevé

Cette semaine, les prix mondiaux du soja ont de nouveau fortement grimpé, gagnant 13 $/t sur l’échéance novembre à Chicago, et 17 $/t sur l’échéance mars 2021. En termes d’offre, la récente révision en baisse de la production de soja US par l’USDA le 10 novembre 2020, a suscité une envolée des cours. En effet, en retirant presque 3 millions de tonnes à son estimation de récolte (à 113,5 millions de tonnes), le département américain de l’agriculture a réduit sa prévision de stocks de fin de campagne à seulement 5 millions de tonnes. Les stocks de soja pourraient ainsi être divisés par trois entre le début et la fin de campagne. La trituration reste dynamique et les exportations en nette progression, notamment vers la Chine, ce qui entraîne cette réduction des volumes de soja dans les silos.

 

De plus, les inquiétudes climatiques demeurent pour les récoltes en Amérique latine. Les cumuls de précipitations sur les quatre dernières semaines sont inférieurs, voire très inférieurs, à la normale dans une grande partie des zones de production du soja. Les semis sont actuellement en cours en Argentine et au Brésil.

Des nouvelles américaines plutôt haussières

Par ailleurs, d’un point de vue macro-économique, l’élection de Joe Biden a aussi soutenu les marchés. Sa politique, qui pourrait être plus prévisible et sécurisante pour les opérateurs, est vue comme positive pour les échanges mondiaux. Les négociations commerciales avec la Chine pourraient prendre un tour bien moins spectaculaire dans les mois prochains qu’elles ne l’ont été sous l’ère Trump. De plus, les analystes économiques s’attendent à des mesures fortes d’un point de vue sanitaire et social de la part du président élu, dans la lutte contre l’épidémie de Covid-19 et ses conséquences.

 

À moyen terme, ces mesures pourraient faire baisser le dollar US face aux autres monnaies, comme l’euro, le yuan ou le real. Cela rendrait ainsi les exportations de soja US encore plus compétitives, ce qui a un effet plutôt haussier pour les cours du soja.

 

Enfin, l’annonce par Pfizer de résultats relativement encourageants, bien que partiels, dans l’élaboration d’un vaccin contre le Covid-19, a également apporté de l’optimisme pour la demande en produits agricoles, que ce soit pour une utilisation dans le secteur restauration, agro-alimentaire ou dans le secteur de l’énergie.

Les prix des tourteaux reculent

Contrairement aux cotations de soja, les prix des tourteaux de soja à Montoir sont en léger déclin sur la semaine (-3 €/t), tout comme au départ de l’Argentine (-4 $/t). Les prix des tourteaux auraient reculé sous l’effet de l’annonce de pluies conséquentes sur les deux prochaines semaines dans toutes les zones de production de l’Argentine, où elles étaient plus que nécessaires. Cela devrait permettre aux semis de soja de progresser normalement, et aux plants d’émerger dans des conditions d’humidité correcte. De plus, selon les indications de la Bourse de Buenos Aires, les semis de soja argentin auraient bondi en une semaine, passant de 4 à 20 % des intentions.

 

Alors que le prix des tourteaux est relativement élevé en France, certains fabricants d’aliments se tournent vers le pois fourrager, moins onéreux, pour compléter les rations animales. Ainsi, le pois voit son prix monter de 5 €/t entre le 5 et le 12 novembre, à 240 €/t départ Marne.

Les hausses de cours des huiles et du soja soutiennent le colza

Avec l’annonce d’un potentiel vaccin en cours d’élaboration, les marchés ont repris du poil de la bête, notamment en ce qui concerne le secteur de l’énergie. Un vaccin serait en effet positif pour la demande en diesel et biodiesel, les transports routiers souffrant en raison des mesures de confinement ou de restriction de circulation. Le prix du biodiesel de colza (FAME -10) a ainsi grimpé de 66 $/t à 1082 $/t, et le prix de l’huile de colza a bondi de 95 $/t sur une semaine (+12 %) à 900 $/t. Cela a contribué à faire monter les prix du colza en France, qui gagnent 5 €/t sur le marché physique (à 412 €/t rendu Rouen et 411 €/t Fob Moselle).

 

La hausse des cours du colza a toutefois été plus faible que celle de l’huile de colza sur les derniers jours. Les conditions climatiques s’annoncent en effet plutôt favorables au développement des plants de la moisson 2021 sur les deux prochaines semaines. Les précipitations devraient être proches voire supérieures aux normales de saison, ce qui sera bénéfique dans les nombreuses parties de l’Union européenne où l’humidité des sols reste à ce jour déficitaire (notamment en France, en Bulgarie, en Allemagne, dans l’ouest de la Pologne, dans les États baltes, au Danemark et en Suède).

La forte demande soutient les cours du tournesol

La demande en huile de tournesol des pays émergents reste forte, notamment celle de la Chine et de l’Inde. Le prix de l’huile de tournesol a encore bondi de 65 $/t cette semaine à Rotterdam pour atteindre un nouveau record, à 1115 $/t. Le manque d’offre participe à cette inflation des cours de l’huile de tournesol. Le cours du tournesol a suivi, grimpant de 10 €/t pour la qualité oléique rendue Saint-Nazaire à 430 €/t. La qualité standard est cotée à 445 €/t, en hausse de 12,5 €/t sur la semaine.

 

 

À suivre : attitude à l’export des opérateurs russes, poursuite des achats d’orge par la Chine, évolution du prix des maïs US, conditions climatiques en Amérique du sud (soja), dans l’UE et en mer Noire (colza), conditions sanitaires et restrictions de circulation dans l’UE et dans le monde (colza, soja, palme)