La signature de l’accord avec le Mercosur et la stratégie sanitaire contre la dermatose ont attisé la colère agricole en fin d’année. De Bruxelles aux blocages de l’A64, tout en passant par les mobilisations organisées dans plusieurs départements de France, les attentes exprimées sont nombreuses. Alors que Sébastien Lerconu a promis de rencontrer de nouveau les syndicats agricoles le 5 et 6 janvier, les évènements se succéderont en ce début d’année.
La signature de l’accord avec le Mercosur repoussée
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, espérait s’envoler pour le sommet des chefs d’État du Mercosur le 20 décembre afin d’officialiser la signature de l’accord négocié avec l’Argentine, le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay. Mais l’exécutif européen a dû renoncer, confronté notamment à la montée des contestations agricoles. La date du 12 janvier circule désormais dans les cercles diplomatiques. Un camouflet pour la Commission, qui fait suite au sommet européen tendu du 18 décembre à Bruxelles, entre les chefs d’États et de gouvernement des Vingt-Sept.
C’est à cette occasion que les États membres auraient dû donner leur feu vert à la Commission, mais l’Italienne Giorgia Meloni a rejoint in extremis la position française, constituant avec Paris et Varsovie une minorité de blocage temporaire. Les trois capitales ont réclamé un délai supplémentaire pour examiner les modalités d’application de l’accord.
Pour la Commission, toutefois, aucune renégociation du texte n’est envisageable. L’exécutif estime avoir déjà pris toutes les dispositions en matière de normes, ainsi que sur les clauses de sauvegarde. Paris continue néanmoins de plaider pour des ajustements destinés à « corriger les effets négatifs » du traité sur l’agriculture européenne. Une stratégie qui irrite plusieurs partenaires, au premier rang desquels l’Allemagne. Si Berlin a accepté le report, le chancelier Friedrich Merz souhaite un vote avant la première session plénière du Parlement européen, prévue la semaine du 19 janvier.
Dermatose : la vaccination se poursuit
En réponse aux manifestations de la fin d’année 2025 contre l’abattage total des foyers de dermatose nodulaire contagieuse (DNC), la ministre de l’Agriculture a établi une « cellule de dialogue scientifique » entre les représentants d’éleveurs et des experts en santé animale. Malgré des propositions d’alternatives, « les scientifiques considèrent qu’en l’état des connaissances et de la situation, le protocole ne peut être revu », précise le cabinet d’Annie Genevard le 23 décembre. Une analyse de risque a été confiée au Cirad pour le cas particulier d’une « zone ayant atteint l’immunité vaccinale », et l’investissement dans la recherche au sujet de la DNC est renforcé pour 2026.
La vaccination continue de battre son plein dans le Sud-Ouest, avec l’objectif de vacciner les 750 000 bovins qui constituent le « cordon vaccinal » d’ici le 18 janvier. Au 27 décembre, plus de la moitié des bovins avaient reçu leur dose. Cette zone vaccinale établie à titre préventif retrouvera son statut indemne 8 mois après la dernière vaccination et si aucun foyer n’est déclaré, mais elle n’est pas concernée par les accords commerciaux signés avec l’Italie depuis le 8 décembre. Les échanges actuellement autorisés concernent uniquement, sous conditions strictes, les animaux issus de zones vaccinales de catégorie II. Ces dernières sont établies à la suite d’une zone réglementée, 45 jours après le dernier dépeuplement, et regagnent leur statut indemne 14 mois après le dernier abattage ou la dernière vaccination d’urgence. Les premières zones des Savoies et du Rhône sont de catégorie II. Si aucun nouveau cas n’est déclaré, la zone réglementée 4 (Jura, Doubs) devrait passer également en zone vaccinale II autour du 20 janvier.
MACF : le prix des engrais à surveiller
Avec une mise en œuvre au 1er janvier 2026, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (aussi appelé « taxe carbone », ou MACF) fait aussi partie des sujets marquants en ce début d’année. Ce dispositif, qui s’applique notamment au secteur des engrais, fait craindre aux agriculteurs européens des hausses de prix sur ces intrants. L’objectif de la Commission européenne est d’inciter les producteurs européens d’engrais à décarboner, tout en les protégeant d’importations qui ne respecteraient pas les mêmes normes.
Le 17 décembre dernier, au regard de « la crise agricole », l’exécutif européen a annoncé une exception pour les engrais par rapport aux autres industries concernées. La Commission évoque une hausse de prix des engrais de 7 %, répartie entre l’exportateur, l’importateur, les intermédiaires et les agriculteurs. Cet ajustement n’a pas suffi à rassurer le monde agricole.
En France, plusieurs syndicats demandent la mise en place d’un système de compensation pour « neutraliser » la taxe. À ce sujet, la ministre française de l’Agriculture, Annie Genevard, a indiqué le 19 décembre qu’elle espérait avoir « des bonnes nouvelles » à annoncer durant la première semaine de janvier. De son côté, la Commission européenne avait assuré en novembre dernier qu’elle surveillera l’impact du mécanisme sur les prix, notamment via l’Observatoire du marché des engrais. Elle se « tient prête à examiner des mesures d’accompagnement si nécessaire », avait-elle déclaré.
Les NBT à un pas de l’Europe
L’Union européenne pourrait adopter en 2026 sa règlementation sur les nouvelles techniques génomiques, NTG ou NBT en anglais. Le 19 décembre, son Conseil a approuvé le texte de compromis issu du trilogue entre la Commission, le Conseil et le Parlement européens. Il ne reste donc au texte qu’une dernière étape à franchir : son examen par le Parlement, qui pourrait advenir courant janvier.
Pour rappel, la Commission européenne avait proposé un premier texte en juillet 2023. Elle y identifiait deux catégories de plantes issues de ces techniques. La première regroupait les végétaux qui, sous réserve d’un nombre limité de mutations, seraient considérés comme équivalents aux variétés conventionnelles. La seconde regroupait le reste des plantes, et restait soumise à la règlementation sur les OGM. Le Conseil et le Parlement européens validaient le principe mais les critères qui permettaient de classer les plantes dans l’une ou l’autre des catégories faisaient débat, tout comme leur étiquetage et leur brevetabilité. Concernant l’étiquetage, la présence de NBT de catégorie 1 devra finalement être mentionnée sur les sacs de semences, mais pas sur le produit final. Et la brevetabilité des traits ou plantes issus des NBT sera finalement autorisée. Autre disposition du texte final, les végétaux rendus résistants aux herbicides ou produisant des insecticides seront interdits, et aucune NBT ne pourra être utilisée en agriculture biologique.