L’exécutif français a sollicité la Commission européenne le 14 décembre 2025 afin de reporter l’examen et la signature de l’accord UE-Mercosur, dont un feu vert des Vingt-Sept était espéré cette semaine, en amont d’un sommet prévu le 20 décembre au Brésil. Dans un communiqué de presse diffusé le même jour, Matignon estime que « les conditions ne sont pas réunies » pour un vote, faute de garanties suffisantes pour l’agriculture européenne.

Le Premier ministre, Sébastien Lecornu, rappelle que la France réclame depuis un an trois garanties : une clause de sauvegarde agricole robuste, des « mesures miroirs » sur les pesticides et l’alimentation animale, et des contrôles sanitaires renforcés aux frontières comme dans les pays exportateurs. Si la Commission a présenté des avancées — propositions de sauvegarde et annonces de contrôles à partir de 2026 — Paris juge ces engagements encore insuffisants. Selon Le Monde, l’exécutif européen a opposé une fin de non-recevoir, lundi matin, et la Commission européenne maintiendra son calendrier. Mais même si sa présidente Ursula von der Leyen signe le traité comme prévu le 20 décembre, il restera une ultime étape au Parlement européen : l’adoption définitive de l’accord, a priori au début de 2026.

Isolée à Bruxelles, alors qu’une majorité d’États membres se montre favorable à l’accord, la France cherche à gagner du temps. À moins de trois mois du Salon de l’agriculture, et alors que la mobilisation s'amplifie pour s'opposer à l'abattage total en cas de foyer de dermatose nodulaire contagieuse, l’exécutif redoute un embrasement social comparable aux blocages de 2024. En demandant un sursis, Paris espère obtenir des protections tangibles et réaffirmer, selon les termes de Matignon, que l’agriculture ne saurait être une « variable d’ajustement » des compromis commerciaux européens.

Une tentative de désamorçage

Le dossier suscite un rejet unanime des syndicats agricoles français, dont une partie prévoit une mobilisation le 18 décembre 2025 à Bruxelles. Au-delà du Mercosur, la profession agricole traverse une zone de fortes turbulences : gestion de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) avec des abattages douloureux pour les éleveurs, incertitudes sur le futur budget de la Pac, tensions commerciales internationales et recul de certains débouchés, notamment viticoles. Dans ce contexte, la perspective d’un premier déficit agroalimentaire français en 2025, une première depuis un demi-siècle, alimente l’inquiétude.

Soucieux d’endiguer la contestation agricole, l’exécutif entend livrer un autre bras de fer avec la Commission, sur l’avenir de la Pac. Toujours dans son communiqué du 14 décembre, Matignon se positionne en faveur du statu quo budgétaire a minima et d’une Pac pleinement communautaire. Le gouvernement s’oppose à toute renationalisation de cette politique, qui affaiblirait selon Paris la cohérence du marché intérieur et la solidarité européenne. Matignon insiste sur la nécessité de maintenir des moyens budgétaires à la hauteur des ambitions agricoles européennes, dans le cadre du prochain cadre financier pluriannuel 2028-2034. La France entend notamment préserver les crédits qui lui sont alloués. Enfin, le communiqué souligne que cette défense de la Pac s’inscrit dans une approche plus large visant à garantir des conditions de concurrence loyale pour les filières. À ce titre, Matignon présente la Pac comme une priorité stratégique, sur laquelle « la France ne transigera pas ».